la bible Olivéran

La Bible d’Olivétan

« L’Eternel ne considère pas ce que l’homme considère; l’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Eternel regarde au coeur. » 1 Samuel 16:7
« Si quelqu’un mérite le titre de père de l’Eglise, c’est bien Olivétan. Et chose étrange, son nom même est resté inconnu. » C’est en ces termes que David Lortsch, l’auteur de L’Histoire de la Bible française, rend hommage à celui qui fut le premier à traduire les saintes Ecritures des textes originaux hébreu et grec en français. De plus, Olivétan eut aussi le mérite de conseiller à son cousin, Jean Calvin, d’étudier la Parole divine, ce qui fit dire à l’historien Doumergue: « Quand Olivétan n’aurait fait qu’initier Calvin à la Réforme, il mériterait un souvenir et une reconnaissance impérissables. » Il est donc utile que nous évoquions cet événement qui eut des effets de portée incalculable sur le peuple de Dieu des pays francophones.
La Bible française avant la Réforme
Après les siècles d’obscurantisme du moyen âge, la découverte de l’imprimerie – au milieu du XVe siècle – permit une soudaine et abondante diffusion de la Parole de Dieu. Depuis 1456, année où Jean Gutenberg sortit de ses presses de Mayence la Bible Vulgate en 42 lignes, les éditions bibliques se sont multipliées. Des centaines d’artisans-imprimeurs ont ouvert des ateliers d’arts graphiques un peu partout en Europe, et l’on estime à 70’000 Bibles complètes et 100’000 Nouveaux Testaments le nombre d’exemplaires de la Parole divine qui firent partie des fameux incunables, c’est-à-dire des livres imprimés avant l’an 1500. C’est considérable, si l’on pense qu’aucune de ces éditions n’était tirée à plus de 300 exemplaires.
Les imprimeurs de la « période héroïque » se contentaient de tirages fort limités, pourvu qu’ils éditent une Bible. Cette performance leur assurait une raison sociale et leur ouvrait la possibilité de continuer à pratiquer leur art. Chacun de ces exemplaires valait évidemment une fortune, mais ils trouvaient tous acquéreurs, tant était ardent le désir de connaître, en cette époque où les intellectuels découvraient soudainement qu’ils avaient été frustrés du message divin depuis des siècles.
On imprimait alors la Parole de Dieu surtout en latin, en grec et en hébreu; mais vers la fin du XVe siècle apparurent les premières éditions en langues courantes, toujours traduites de la Vulgate latine: ainsi en français, le Nouveau Testament de Barthélemy Buyer (1476) et surtout la Bible de Jean de Rely, imprimée pour la première fois à Paris en 1496 et rééditée au moins dix fois dans les cinquante années qui suivirent
La Réforme au canton de Vaud
Lausanne, automne 1536:
« La sainte Ecriture n’enseigne aucun autre moyen d’être justifié que par la mort de Jésus-Christ offert une fois pour toutes, de sorte que ceux qui parlent de quelque autre moyen d’obtenir la rémission des péchés renversent complètement la vérité que Christ a révélée. »
Fin septembre 1536. Une série d’affiches de ce type sont apposées sur les façades de plusieurs églises du canton de Vaud, et surtout sur les colonnes de la cathédrale de Lausanne. Ce sont les dix thèses évangéliques proposées par Guillaume Farel pour le débat public projeté. Des tribunes ont été disposées à l’intérieur du prestigieux édifice pour accueillir la multitude d’auditeurs qui seront ainsi parmi les draperies et les dorures dont l’édifice est orné. En ce dimanche matin 1er octobre, une foule compacte s’est assemblée dès 7 heures pour l’événement que personne ne veut manquer: une Disputation publique entre réformateurs et défenseurs du clergé romain, ordonnée par les baillis de Berne. Mais comment en est-on arrivé là?
Pierre Viret, le réformateur vaudois
Depuis des années les écrits de Luther se sont répandus dans le canton de Vaud. La population est avide de connaître cet Evangile annoncé ici et là par des prédicants, un Evangile fort différent de celui des prêtres. Aucun obstacle n’a eu raison de la fougue de Guillaume Farel: véritable apôtre, il a gagné aux idées nouvelles des milliers de Vaudois, d’abord dans la région d’Aigle puis dans la vallée de la Broye jusqu’à Morat, avant de se tourner vers Grandson, Sainte-Croix, Yverdon et Orbe. Dans cette dernière localité, un jeune homme a été profondément saisi par la grâce de Dieu. Il se nomme Pierre Viret. Une première empreinte de l’Evangile avait été déposée en son esprit par son instituteur Marc Romain, empreinte qui s’approfondit lorsque son père l’envoya étudier à Paris, au Collège de Montagu, ce collège que fréquentèrent entre autres Erasme, Ignace de Loyola et Jean Calvin. Viret y rencontra Antoine Saulnier, gagné à la cause de la Réforme.
Mais les idées nouvelles étaient contestées. Saulnier fut arrêté parce qu’il avait reçu une lettre de Farel; et Pierre Viret, ne se sentant plus en sécurité, regagna sa ville natale.
En 1530, Farel vient d’arriver à Orbe. En dépit de l’opposition et des coups reçus, il prêche le salut en Jésus-Christ. Pierre Viret, alors âgé de 19 ans, n’échappe pas à l’attention de Farel qui a remarqué sa vive intelligence et son amour pour le Seigneur. A son départ d’Orbe, le réformateur demande au jeune homme de prendre soin de ceux qui viennent de se convertir. Viret, humble et craintif, hésite. Mais Farel ne se laisse pas arrêter par ses objections. Le 6 mai 1531, Viret prêche son premier sermon dans sa ville natale. Il saura s’imposer et convaincre, plus par la douceur que par des éclats. Il amène son père et sa mère au salut. Puis il rejoint Farel à Payerne, où les deux réformateurs prêchent ensemble dans les rues et dans les tavernes parce que l’accès aux édifices religieux leur est refusé.
L’opposition va grandissant. Des émeutes éclatent. Un jour Viret reçoit un coup d’épée dans le dos. Cependant, à peine guéri de sa blessure, il rejoint Farel à Genève. Là il sera victime d’un empoisonnement, dont il gardera toute sa vie des séquelles. Il demeurera délicat… ce qui ne l’empêchera pas de prêcher à Lausanne dès mars 1536.

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