Histoire du texte biblique.

La Parole que donna le Seigneur

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Histoire du texte biblique.

Par Malcolm H. Watts.

La Bible est la Parole éternelle de Dieu. Dieu l’a donnée aux hommes en tant qu’autorité absolue et règle suprême, infaillible et immuable en matière de foi et de pratique. L’article ci-dessous retrace l’histoire de la Bible depuis les origines de cette autorévélation divine, montrant comment elle prit corps sous forme écrite par inspiration surnaturelle; comment elle fut transmise avec exactitude jusqu’à aujourd’hui et fut préservée de manière providentielle. Nous le croyons fermement: quoique des tempêtes de critiques ne cessent de se déchaîner contre la Parole de Dieu, la confiance que lui fait l’humble croyant est entièrement fondée et pleinement justifiée. Ce saint volume est et sera toujours le Livre de Dieu.

L’ANCIEN TESTAMENT

La plus grande partie de l’Ancien Testament fut rédigée en hébreu, qu’on appelle parfois « la langue de Canaan » (Ésaïe 19:18), ou « langue des Juifs » (Ésaïe 36:11). Cette langue est probablement issue de l’hébreu ancien que parlait Abraham à Ur en Chaldée (Genèse 14:13). Nombre d’érudits pensent que cet hébreu ancien était antérieur à Abraham et constituait la « seule langue », le « parler unique » qui avait cours avant Babel (Genèse 11:1). Autrement dit, ils y voient la langue originelle de l’humanité.

LA TOUTE PREMIÈRE LANGUE

Les éléments qui corroborent ce point de vue ne manquent pas de poids. Tout d’abord, en hébreu, les noms des animaux indiquent très précisément la nature et les caractéristiques de ces derniers, mieux que dans toute autre langue ancienne. Voilà qui s’accorde avec le fait qu’Adam, peu après avoir été créé, donna un nom à chaque animal après avoir observé les traits caractéristiques et les qualités de chaque espèce (Genèse 2:19,20).

Deuxièmement, les noms propres, par exemple Adam, Ève, ou Caïn ont en hébreu un sens particulier, parfois explicité dans l’Ancien Testament (Genèse 2:23; 3:20; 4:1). Troisièmement, les noms des diverses nations anciennes semblent être d’origine hébraïque, et sont tirés de ceux des fils et des petits-fils de Sem, Cham, et Japhet. Les Assyriens, par exemple, tirent leur nom d’Ashur, les Élamites d’Élam, et les Araméens d’Aram.

On peut donc à bon droit soutenir que sous l’une ou l’autre de ses formes, l’hébreu fut la première langue à être parlée et entendue dans ce monde; quoi qu’il en soit, nul ne peut nier que l’Ancien Testament est presque entièrement rédigé en hébreu. Les seules exceptions sont les passages en araméen, langue étroitement apparentée à l’hébreu, et qui supplanta effectivement ce dernier à l’époque de la captivité. Ces exceptions sont les suivantes: deux passages du livre d’Esdras (4.8 à 6.18; et 7.12-26), ce qui s’explique par le fait que l’araméen était la langue officielle de l’Empire perse; un verset de Jérémie (10.11), qui cite un proverbe araméen; et un passage assez long du livre de Daniel (2.4 à 7.28). Là, l’usage de l’araméen est probablement imputable au fait que tout ce passage parle des nations de ce monde.

LES SUPPORTS DE L’ÉCRITURE

Sur quel support les Écritures anciennes furent-elles rédigées? À l’origine, les Écritures de l’Ancien Testament étaient probablement écrites sur du papyrus. On fabriquait ce dernier à partir de ces sortes de roseaux, appelés papyrus, qui poussaient au bord du Nil. On découpait les tiges en bandes qu’on juxtaposait à angles droits; ensuite on les aplatissait, on les pressait, et on les polissait pour obtenir une sorte de papier primitif. Nous savons que l’usage du papyrus en Égypte remonte à un lointain passé, et qu’on se servait certainement de ce support au temps de Moïse. Les premiers écrits de l’Ancien Testament furent donc vraisemblablement des papyrus. Sinon, on a pu écrire sur des peaux de bêtes, ce qui se faisait depuis l’an 2000 avant Jésus-Christ. On en vint à préférer les peaux, plus durables et moins fragiles, car elles permettaient une meilleure conservation du texte.

LA RÉVÉLATION

Nous savons que Dieu est l’être suprême. L’Écriture pose la question: « Trouveras-tu [le fond en Dieu] en le sondant? Connaîtras-tu parfaitement le Tout-Puissant? » (Job 11.7). Naturellement, la réponse implicite est: « non ». Toute notre ingéniosité est impuissante à découvrir le Dieu infini. Il est infiniment au-dessus de notre compréhension humaine. N’avons-nous pour autant aucun espoir de le connaître? Soyons reconnaissants, car il n’en est rien. Quoique par nous-mêmes nous soyons dans l’incapacité de découvrir Dieu, même en cherchant de toutes nos forces, Dieu peut se faire connaître à nous. En tant que source de toute vérité, il est capable de nous enseigner sur sa Personne admirable; nous pouvons donc affirmer comme le psalmiste: « Par ta lumière, nous voyons la lumière » (Psaume 36.9). Voilà qui nous amène tout naturellement à la doctrine de la révélation.

Le professeur James Bannerman donne cette définition à la fois concise et juste de la révélation: « La révélation s’accomplit en tant qu’acte divin, quand Dieu présente surnaturellement à l’homme une vérité objective. En tant qu’effet de cette action, la révélation est la vérité objective ainsi présentée » (1).

Il y a deux sortes de révélation. Tout d’abord, il y a la révélation générale. Celle-ci provient en partie de ce qui est extérieur à nous, du monde qui nous entoure. Dans les oeuvres de la création et par sa providence, Dieu montre certains aspects de sa divinité et de sa perfection. « Car les choses invisibles de Dieu, tant sa puissance éternelle que sa divinité, se voient comme à l’oeil par la création du monde, étant considérés dans ses ouvrages » (Romains 1.20; voir aussi Psaume 19.1, et Actes 14.27). En contemplant les différentes composantes de cet univers visible, nous sommes contraints de penser avec crainte et respect au Créateur, à l’Architecte divin. La révélation générale réside aussi dans ce qui est en nous. Créés à l’image de Dieu, nous avons dans une certaine mesure un sens naturel de Dieu, de l’immortalité, et de la différence entre le bien et le mal. Comme le dit Paul, nous sommes « une loi à nous-mêmes » car « l’oeuvre de la loi » est écrite « dans nos coeurs », et notre conscience nous « rend aussi témoignage » (Romains 2.14, 15).

On dit de cette révélation-là qu’elle est générale, non seulement parce qu’elle est offerte au monde de façon générale, mais aussi parce qu’elle ne comporte que des généralités. Elle ne donne aucune précision, par exemple, sur la réconciliation avec Dieu, sur le pardon des péchés, ni sur le moyen d’aller au ciel.

Il a cependant plu à Dieu, dans sa miséricorde inouïe, d’accorder aussi une révélation particulière. Cette dernière est également extérieure et intérieure. La révélation particulière extérieure prit la forme de « théophanies », dans lesquelles Dieu se montra réellement à des hommes, et de « voix », par lesquelles Dieu s’adressa à eux. « Et ’Éternel apparut à Abram, et lui dit: Je donnerai ce pays à ta postérité… » (Genèse 12.7; voir aussi 3.8-19). Des hommes choisis reçurent des révélations particulières intérieures, par des songes, des visions, ou des « charges ». Comme Dieu l’avait dit: « S’il y a quelque prophète entre vous, moi qui suis l’Éternel, je me ferai connaître à lui en vision, et je lui parlerai en songe » (Nombres 12.6). Une « charge l’homme mortel se justifierait-il devant le Dieu Fort? » (Job 9.2). Au travers de la révélation générale et de la révélation particulière (qui culmine, bien sûr, dans l’incarnation), Dieu nous accorde la grâce d’une manifestation divine et fait connaître le chemin du salut. » était un message empreint de gravité, qui s’imposait à la pensée et au coeur. Nous lisons par exemple: « La charge de la parole de l’Éternel contre Israël, par le moyen de Malachie » (Malachie 1.1). La révélation particulière comble les besoins les plus profonds du coeur humain. Elle répond à la question qui s’est toujours posée à l’âme de l’homme: « Comment l’homme mortel se justifierait-il devant le Dieu Fort? » (Job 9.2).

Au travers de la révélation générale et de la révélation particulière (qui culmine, bien sûr, dans l’incarnation), Dieu nous accorde la grâce d’une manifestation divine et fait connaître le chemin du salut.

L’INSPIRATION, PROCHE PARENTE DE LA RÉVÉLATION

Examinons à présent la doctrine qui est une proche parente de la précédente: celle de l’inspiration. Louis Gaussen en donne la définition suivante: « [Elle est] cette puissance inexplicable qu’exerça jadis l’Esprit divin sur les auteurs de la sainte Écriture, pour les guider jusque dans l’emploi des paroles dont ils ont fait usage, et pour les préserver de toute erreur, comme de toute omission » (2)

L’inspiration est donc le processus par lequel Dieu exerce sur certains hommes une influence surnaturelle, pour leur donner d’écrire avec exactitude et de manière infaillible tout ce qu’il leur a révélé. Nous lisons dans 2 Pierre 1.21: « Les saints hommes de Dieu, étant poussés par le Saint-Esprit, ont parlé. » Le résultat de ce processus est la Parole écrite de Dieu, « l’écriture de vérité » (Daniel 10.21). On pense immédiatement à l’affirmation bien connue de l’apôtre: « Toute l’Écriture est divinement inspirée » (2 Timothée 3.16).

L’Écriture inspirée est donc le livre de la révélation de Dieu. Grâce à la révélation et à l’inspiration, nous sommes en mesure de tenir la Bible dans nos mains avec l’assurance qu’il s’agit bien de la Parole écrite de Dieu.

LA MISE PAR ÉCRIT

La première indication de cette mise par écrit se trouve dans Exode 17.14, lorsque peu après la guerre contre les Amalécites, le Seigneur dit à Moïse: « Écris ceci pour mémoire dans un livre… ». Nous lisons également en Exode 24.4 que Moïse « écrivit toutes les paroles de l’Éternel ». Dans Exode 34.27, le Seigneur lui ordonna une fois encore: « Écris ces paroles… ». On pourrait citer bien d’autres exemples. De nombreux autres passages montrent que Moïse écrivit beaucoup plus que cela, et qu’il est même l’auteur du Pentateuque, c’est-à-dire des cinq premiers livres de la Bible (voir Deutéronome 31.9, et 24-26; Nombres 33.1, 2).

LES ORIGINAUX

Après leur rédaction, les originaux inspirés, appelés « autographes », furent conservés avec un soin extrême. Le rouleau de Moïse, par exemple, fut confié aux prêtres qui le déposèrent près de l’Arche Sainte. Nous lisons en Deutéronome 31.25, 26 que Moïse commanda aux Lévites, qui portaient l’Arche de l’Alliance de l’Éternel: « Prenez ce livre de la loi [le livre qu’il avait rédigé] et mettez-le à côté de l’Arche de l’Alliance de l’Éternel votre Dieu, et il sera là pour témoin contre toi. » (Voir aussi Josué 1.8, 1 Rois 2.3, et Néhémie 8.1).

Le successeur de Moïse fut Josué, l’auteur du livre qui porte son nom. Vers la fin de sa vie, il fit exactement comme avait fait Moïse: après avoir ajouté un livre au rouleau de Moïse, il fit remettre ce rouleau dans le sanctuaire. « Et Josué écrivit ces paroles au livre de la loi de Dieu. Il prit aussi une grande pierre, et l’éleva là sous le chêne qui était au sanctuaire de l’Éternel. »

Peu après, un autre écrit vint s’ajouter, cette fois grâce à Samuel. « Alors Samuel prononça au peuple le droit du royaume, et l’écrivit dans un livre, lequel il mit devant l’Éternel », c’est-à-dire dans la présence de Dieu, dans le Saint des Saints, à côté de l’Arche de l’Alliance (1 Samuel 10.25).

LE TEMPLE

Quand le tabernacle fut remplacé par le Temple, ces originaux précieux furent certainement transportés dans ce nouvel édifice plus durable. Il se peut qu’on ait une allusion à ce fait en 2 Rois 22.8, lorsque Hilkija, le souverain sacrificateur déclare: « J’ai trouvé le livre de la loi dans la maison de l’Éternel. » Certains érudits pensent que ce « livre de la loi » était le manuscrit original de Moïse; les sacrificateurs avaient dû le cacher sous les règnes iniques de Manassé et d’Amon. On venait de le redécouvrir et de le porter à l’attention du roi (3). En 2 Chroniques 34.14, on l’appelle « le livre de la loi de l’Éternel, donnée par le moyen de Moïse ». Une traduction plus littérale de ce verset serait en effet: « le livre de la loi de l’Éternel, au moyen de la main de Moïse. »

LA SIGNIFICATION DE L’ARCHE

Le Pr. W. H. Green note que le fait de conserver ces documents dans le lieu sacré était « conforme aux usages de la plupart des nations dans l’Antiquité ». Il signale que les Romains, les Grecs, les Phéniciens, les Babyloniens, et les Égyptiens conservaient aussi leurs écrits sacrés dans leurs temples et les confiaient à des fonctionnaires spécialement investis de ce rôle (4).

Il y avait cependant des raisons plus importantes de conserver les rouleaux dans cet endroit.

L’Arche était préservée dans le sanctuaire de Dieu; aussi des écrits placés à côté d’elle étaient-ils intimement associés à Dieu. C’est en effet lui qui est l’auteur des Écritures. Ce que Dieu a déclaré et ce que disent les Écritures, c’est une seule et même chose (Voir Romains 9.17, Exode 9.16, Galates 3.8, et Genèse 1.3). Il s’agit de la Parole écrite de Dieu, et on peut appeler l’ensemble des ces livres « les oracles de Dieu » (Romains 3.2, et Actes 7.38).

Les Israélites pieux comprenaient que l’Arche était le trône de Dieu (Exode 25.22, et Psaume 80.1). Placer ces écrits à côté de l’Arche revenait à déclarer qu’ils possédaient une autorité divine. L’Écriture possède une autorité incomparable. Elle exige que les hommes aient fermement foi en ses enseignements et lui obéissent sans hésiter. Toute âme humaine doit s’incliner devant elle. « Car il a établi le témoignage en Jacob, et il a mis la loi en Israël; et il donna charge à nos pères de les faire entendre à leurs enfants… » (Psaume 78.5).

De plus, placer ces Écritures près de l’Arche, au coeur du tabernacle, c’était les séparer de tout autre livre. C’était affirmer explicitement leur sainteté. Assurément, la Parole écrite de Dieu est pure et sublime. Elle est la vérité, sans l’ombre d’un mélange d’erreur. « Les paroles de l’Éternel sont des paroles pures; c’est un argent affiné au fourneau de terre, épuré par sept fois » (Psaume 12.6). Ces écrits inspirés doivent toujours recevoir le respect dû aux « Écritures saintes » (2 Timothée 3.15).

Sur l’Arche, bien sûr, se trouvait le propitiatoire sur lequel on répandait le sang du sacrifice (Exode 25.21); les livres étaient placés à côté, peut-être pour signifier qu’ils contenaient l’explication de la doctrine de la propitiation, montrant ainsi l’unique moyen pour s’approcher de Dieu. « Il est ainsi écrit; et ainsi il fallait que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât des morts le troisième jour; et qu’on prêchât en son nom la repentance et la rémission des péchés… » (Luc 24.46, 47).

Ajoutons que ces rouleaux devaient se trouver sous les ailes des chérubins (Exode 25.18-20), en témoignage du fait qu’ils étaient divinement préservés et protégés. Quoique beaucoup nient à présent la doctrine de la préservation des Écritures, il importe de la croire et de la proclamer hardiment. « L’Ancien Testament en hébreu… et le Nouveau Testament en grec… ayant été directement inspirés par Dieu, et gardés purs, au long des siècles, par sa providence et ses soins particuliers, sont authentiques » (Confession de Foi de Westminster, 1.8). Notre Seigneur lui-même dit: « Car je vous dis, en vérité, que jusqu’à ce que le ciel et la terre soient passés, un seul iota, ou un seul trait de lettre de la loi ne passera point, que toutes ces choses ne soient faites » (Matthieu 5.18; Psaume 119.152;et Ésaïe 40.8).

UN LIVRE UNIQUE

Dieu a continué à inspirer des hommes jusqu’à ce qu’il y ait une extraordinaire collection de livres (1 Chroniques 29.29; 2 Chroniques 9.29, et 12.15; Ésaïe 30.8; Jérémie 36.1, 2). Les premiers écrits de Moïse dateraient d’environ 1450 avant Jésus-Christ, et le livre de Malachie a dû être achevé vers 450 avant Jésus-Christ. Par conséquent, dans sa grâce, Dieu a communiqué avec les hommes pendant mille années, et par l’influence surnaturelle de son Esprit, il a fait noter par écrit ses communications, sans la moindre erreur en ce qui concerne les faits et la doctrine. Dès cette époque, ces écrits ont été préservés de façon prodigieuse. Remarquons encore que dès le commencement, cette collection a été essentiellement considérée comme un seul et unique livre, appelé le « livre de l’Éternel » (Ésaïe 34.16).

LES COPIES

La première fois qu’il est fait mention d’une copie, c’est à propos des Dix Commandements, dont l’original, nous le savons, avait été tracé par le doigt de Dieu sur des tables de pierre. Les tables originales ayant été brisées, le Seigneur ordonna à Moïse de faire de nouvelles tables sur lesquelles il inscrivit les mêmes paroles. C’est alors que le Seigneur donna la règle au sujet des copies: la copie doit être « comme… la première fois » (Deutéronome 10.4). Nous avons d’excellentes raisons de croire que cette règle s’appliqua de façon rigoureuse. Lorsque le roi Jéhojakim détruisit le message de Jérémie, Dieu dit au prophète d’en écrire une copie, et cette copie devait être identique à l’original. « Prends encore un autre rouleau, et y écris toutes les premières paroles qui étaient dans le premier rouleau » (Jérémie 36.28). Ainsi Baruch, le secrétaire de Jérémie, écrivit sous la dictée du prophète toutes les paroles qui se trouvaient sur le premier rouleau (Voir Jérémie 26.32; le second rouleau était donc une reproduction rigoureuse du premier, quoique cette fois Baruch ajoutât d’autres paroles, également inspirées par Dieu à Jérémie).

On faisait donc des copies, non seulement des Dix Commandements, mais aussi d’autres portions des Écritures. Tout roi d’Israël devait disposer d’une copie du livre du Deutéronome, ou peut-être du Pentateuque tout entier. « Il écrira pour lui, dans un livre, un double de cette loi, laquelle il prendra des sacrificateurs qui sont de la race de Lévi. Et ce livre demeurera avec lui; et il y lira tous les jours de sa vie… » (Deutéronome 17.18, 19 et 2 Chroniques 23.11). Naturellement, les originaux demeuraient sous la garde « des sacrificateurs qui sont de la race de Lévi ». Là où le texte dit: « il écrira pour lui… un double de cette loi », cela ne signifie probablement pas que le roi devait faire la copie de sa propre main, mais qu’il la faisait faire (Voir 1 Samuel 1.3 et 13.9; 1 Rois 8.62; Jean 19.19; ce que certains ont alors « fait » était presque certainement accompli, dans ces cas, par la main d’un autre).

Pour pouvoir s’acquitter correctement de leurs tâches, les juges avaient besoin de consulter les diverses lois de Moïse (2 Chroniques 19.10), tout comme les prêtres, surtout ceux qui étaient envoyés avec certains Lévites pour enseigner dans les villes de Juda (2 Chroniques17.7-9). À propos de ces derniers, on précise qu’ils « enseignèrent en Juda, ayant avec eux le livre de la loi de l’Éternel ». Il se peut fort bien que d’autres copies des Écritures aient existé, car il y avait des hommes instruits, des lettrés qui se consacraient spécifiquement à cette tâche. Il se peut que les écoles de prophètes aient pris part à ces travaux (1 Samuel 10.10, et 19.18 et suivants; 2 Rois 2.3, 5 et 4.38). Il semble bien que les secrétaires professionnels d’Ézéchias se soient livrés à ce même travail, car nous apprenons que sous les directives du roi, ils copièrent « les proverbes de Salomon » (Proverbes25.1). Ésaïe le prophète, Sebna le secrétaire, et Joah, fils d’Asaph, commis sur les registres, faisaient peut-être partie de ce groupe (2 Rois 18.18, 37; Ésaïe 36.3,22; voir 2 Rois 19.2, 5, 6, 20; Ésaïe 39.8). En tout cas, il apparaît que d’autres lettrés accomplissaient la même tâche, en particulier les « scribes » (Voir par exemple 2 Rois 22.8, 10 et 2 Chroniques 34.13) dont les travaux permettaient à leurs contemporains d’affirmer: « Noussommes sages, et la loi de l’Éternel [sous forme écrite] est avec nous » (Jérémie 8.8). Vraisemblablement, c’est grâce aux travaux de tels hommes que certains, en Israël et même à Babylone, étaient en mesure de consulter les livres sacrés (Voir Daniel 9.2).

LE TRAVAIL DES SCRIBES

Les originaux, nous l’avons vu, sont appelés « autographes ». Une copie s’appelle « un apographe ». De toute évidence, on copiait les Saintes Écritures avec un soin extrême. Au départ, cette charge incombait aux prêtres (Deutéro-nome 17.18), mais par la suite, les scribes (appelés en hébreu sopherim, du verbe saphar, écrire) s’en chargèrent, comme en témoignent les propos de Jérémie le prophète: « Comment dites-vous, Nous sommes les sages, et la loi de l’Éternel est avec nous? Voilà, on a agi faussement, et la plume des scribes est une plume de fausseté » (Jérémie 8.8). À l’origine, les devoirs de ces hommes appelés scribes étaient nombreux et variés. Mais au fil du temps, ils prirent l’habitude de se consacrer surtout au travail de transcription: c’est pourquoi Esdras, par exemple, fut appelé « scribe des paroles des commandements de l’Éternel et de ses ordonnances, entre les Israélites » (Esdras 7.11).

Naturellement, la demande pour les copies des Écritures s’accrut considérablement. Les scribes se constituèrent alors en « familles » ou en « guildes », collaborant entre eux pour obtenir le meilleur résultat possible (1 Chroniques 2.55). Alliée à un profond respect pour l’Écriture sainte, leur compétence permettait la réalisation de copies véritablement excellentes. D’ailleurs, on ne tenait pour fiables que les rouleaux préparés par de tels groupes de scribes.

Il convient ici de remarquer que selon la volonté de Dieu, et par sa bonne providence, les Juifs traitaient leurs écrits sacrés de façon plus méticuleuse que tout autre peuple du monde antique.

Ils parvenaient à un degré de précision tel qu’on pouvait considérer les copies des scribes comme la Parole même de Dieu, investie de l’autorité divine. En 1 Rois 2.3, David donne cet ordre à son fils Salomon: « Et garde ce que l’Éternel, ton Dieu, veut que tu gardes, en marchant dans ses voies, et en gardant ses statuts, ses commandements, ses ordonnances et ses témoignages, selon ce qui est écrit dans la loi de Moïse. » Le roi Salomon ne pouvait avoir accès qu’à une copie, selon ce qui est prescrit en Deutéronome 18.18, 19; mais remarquez qu’on décrit cette copie comme étant: « Ce qui est écrit dans la loi de Moïse ». Cette copie manuscrite avait été réalisée avec tant de soin qu’elle conservait l’autorité de l’original.

C’était la Parole même de Dieu, et on pouvait la citer en tant que telle.

LA PERTE DES ORIGINAUX

Les Babyloniens prirent Jérusalem en 586 avant Jésus-Christ. La ville fut dévastée et le grand Temple de Salomon fut complètement détruit (2 Chroniques 36.17-19). Quoique l’histoire ne le précise pas, on peut être pratiquement sûr que les Écritures originales furent détruites en même temps que la ville. Mais tout n’était pas perdu: à cette date, il existait déjà de nombreuses copies, et les Juifs en emportèrent avec eux lors de l’exil. En effet, Daniel cite des passages de ce qui devait être une copie de la loi de Moïse (Daniel 9.11). Il fait aussi état des prophéties de Jérémie, dont il devait posséder un exemplaire (Daniel 9.2).

En 537, les Juifs commencèrent à revenir de la captivité babylonienne: nous savons qu’Esdras rétablit à Jérusalem le culte « selon ce qui en est écrit dans le livre de Moïse » (Esdras 6.18). On voit ainsi qu’ils disposaient encore de copies des Écritures et pouvaient les consulter lors de la restauration du culte dans le second Temple. En Néhémie 8.1, nous apprenons que c’est à la demande du peuple qu’Esdras apporta « le livre de la loi de Moïse, laquelle l’Éternel avait ordonnée à Israël. » Il s’agissait non de l’original, mais d’une simple copie, néanmoins qualifiée de « loi de Moïse ». De tels passages de la Bible permettent de conclure que Dieu avait préservé sa Parole de façon prodigieuse.

LA GRANDE SYNAGOGUE

L’histoire vétérotestamentaire se termine de manière un peu abrupte avec le retour de la captivité; mais d’après les livres rédigés ultérieurement, Esdras semble être devenu le président d’une assemblée de lettrés et de sages (Néhémie 8.4, 7, 13; Esdras 7.6, 12, 21). Selon la tradition juive, après le retour de l’exil, Esdras réunit la « grande synagogue » afin de réorganiser la vie religieuse de la nation. Ce conseil – car il s’agissait bien d’un conseil – se composait de cent vingt membres, au nombre desquels on comptait les prophètes Aggée, Zacharie et Malachie. Ces « hommes de la grande synagogue » réunirent toutes les copies des Saintes Écritures qu’ils purent trouver. Ces copies firent l’objet d’un examen minutieux et d’une étude comparative. De nombreuses erreurs dues à l’inadvertance purent être corrigées. Il s’agissait par exemple de l’omission d’une lettre, d’un mot, parfois même d’une ligne. Il n’est pas étonnant que de telles erreurs se soient glissées dans certains manuscrits, car il y a au moins huit paires de lettres hébraïques qui se ressemblent au point d’être presque identiques. Le scribe le plus consciencieux n’était pas à l’abri d’une erreur. Mais par la suite, ces copies subirent des corrections. Si une copie contenait trop d’erreurs, on l’enterrait dans une « genizah », lieu sacré jouxtant une synagogue. Grâce aux travaux de la grande synagogue, le second Temple disposa certainement d’un texte extrêmement proche du texte reçu hébreu qui eut cours par la suite (5).

Quand notre Seigneur parut sur la terre, il existait de nombreuses copies fiables. Le Seigneur Jésus citait constamment les Saintes Écritures. Il lisait le texte sacré à la synagogue (Luc 4.16). Il le citait lors de son ministère public (Matthieu 19.3-5; 21.16, 42). Il exhortait ses auditeurs à lire l’Écriture eux-mêmes (Jean 5.39). Assurément, il considérait les copies existantes comme étant la Parole même de Dieu. Quoiqu’il rectifiât les interprétations et les gloses des pharisiens, pas une seule fois il ne mit en doute l’intégrité du texte hébreu. Il était en mesure d’affirmer: « Il est écrit » (Matthieu 4.4, 7, 10) et aussi: « l’Écriture ne peut être anéantie » (Jean 10.35). Il en allait de même pour les apôtres (Voir Actes 1.16; 4.25; 28.25; Hébreux 1.1, 6, 7, etc.).

On pourrait objecter qu’un tel raisonnement va trop loin, dans la mesure où la Septante (ou LXX, traduction grecque du Nouveau Testament, réalisée par des Juifs d’Alexandrie vers 250 avant Jésus-Christ) est souvent citée aussi dans le Nouveau Testament, sans être remise en question une seule fois. Pour cette même raison, ne peut-on pas dire que le Nouveau Testament tient la Septante pour un texte inspiré et minutieusement traduit? Non, ce serait là un raisonnement spécieux. En réalité, dans nombre de cas, les auteurs du Nouveau Testament semblent avoir volontairement rejeté la Septante (par exemple dans Matthieu2.15, où elle dit: « Hors d’Égypte j’ai appelé ses enfants » et dans Romains 10.15, où elle dit: « Me voici, comme le printemps sur les montagnes, comme les pieds de celui qui annonce la bonne nouvelle de la paix, comme celui qui annonce les biens » (Trad. Pierre Giguet, 1872) Voir également Romains 11.4 et 1 Pierre 4.8).

Il est vrai que certaines citations dans le Nouveau Testament suivent la Septante, mais dans ces cas la différence avec le texte hébreu est minime et n’affecte en rien le sens, par exemple dans Matthieu 15.8, 9, où l’hébreu dit: « parce qu’ils m’honorent de leurs lèvres, mais qu’ils ont éloigné leur coeur de moi, et parce que la crainte qu’ils ont de moi est un commandement d’hommes, enseigné par des hommes » ou dans Actes 13.34, où l’hébreu parle des « grâces immuables promises à David ». Ici le texte grec néotestamentaire cite effectivement la Septante, ainsi que l’indique une note marginale de la Bible de Genève, révisée par David Martin en 1707: « les saintetés de David assurées. »

D’autre part, quand les auteurs citent la Septante, c’est souvent pour faire plus clairement ressortir le sens de l’original (Voir Romains 10.18, où le terme « voix » est préféré au mot hébreu « ligne », expression quelque peu obscure; mais si on comprend qu’il s’agit de la corde d’un instrument de musique, le sens est tout à fait semblable).

Le professeur Roger Nicole écrit: « Il n’y a aucune déduction, aucune application susceptible d’être logiquement tirée de la Septante dans le Nouveau Testament, qui ne puisse également être tirée du texte hébreu ». Il conclut: « La présence de citations tirées de la Septante ne signifie pas que les auteurs du Nouveau Testament croyaient que cette traduction était elle-même inspirée… Mais le fait qu’ils consentent à utiliser la LXX, bien que celle-ci soit parfois défectueuse, nous enseigne une leçon importante: le message fondamental que Dieu veut communiquer peut se transmettre même par une traduction, et on peut avoir recours à une version quelconque, dans la mesure où celle-ci est conforme à l’original » (6).

Revenons à notre premier point: la caution qu’apportent notre Seigneur et ses apôtres au texte hébreu du 1er siècle prouve que ce texte devait être aussi exact que fiable.

LES CÉLÈBRES MASSORÈTES

Nous avons vu que Dieu avait suscité des scribes, les sopherim, pour que le texte des Écritures soit conservé dans un état de pureté remarquable. D’autres devront poursuivre cette tâche et prendre les mesures nécessaires pour que le texte soit préservé: il s’agit des massorètes, terme tiré du mot hébreu « masorah » qui signifie « tradition ». C’étaient des familles de lettrés juifs, des critiques textuels qui allaient par la suite ouvrir des écoles. L’une d’elles était à Tibériade au bord du lac de Galilée, et l’autre était à Babylone en Orient. Personne ne sait exactement quand les massorètes sont apparus pour la première fois. Certains pensent qu’ils remontent au premier siècle après Jésus-Christ. D’autres les font remonter aux environs de l’an 500 après Jésus-Christ. Quoi qu’il en soit, ce qui compte, c’est l’oeuvre que ces massorètes ont accomplie.

Jérusalem ayant été détruite en 70 après Jésus-Christ, les Juifs furent dispersés dans les diverses nations de l’Empire romain. Les massorètes savaient que ces Juifs de la diaspora et les générations qui leur succèderaient auraient besoin de copies des Saintes Écritures. Ils pensaient pouvoir prendre certaines mesures qui préserveraient la pureté du texte hébreu. C’est pourquoi ils réunirent des informations essentielles sur le texte et ils mirent au point des règles détaillées permettant de réaliser de bonnes copies. Ils introduisirent le système des points voyelles (puisque l’hébreu n’a pas de voyelles), et des accents fixes (pour garantir la bonne prononciation); ils expliquèrent le sens des mots (en cas d’ambiguïté), ajoutèrent des notes marginales (pour éclairer les points obscurs) et marquèrent des pauses (qui ont souvent une incidence sur le sens). Ils se livrèrent à une étude si méticuleuse qu’ils allèrent jusqu’à compter les versets, les mots, et les lettres de l’Ancien Testament, notant par exemple qu’aleph revient 42 377 fois; beth, 38 218 fois; guimel, 29 737 fois, et ainsi de suite.

Il fallait que les copistes respectent les règles strictes du Talmud. Par exemple, on ne devait utiliser que des peaux d’animaux purs; chaque peau devait comporter le même nombre de colonnes; celles-ci ne devaient pas avoir moins de quarante-huit lignes, et pas plus de soixante; il fallait préparer de l’encre noire selon une recette rigoureuse; aucune lettre, aucun mot ne devait être reproduit de mémoire; si une seule lettre manquait ou était déplacée, ou même si une lettre en touchait une autre, il fallait détruire toute la feuille de parchemin; si une seule page comportait plus de trois erreurs, tout le manuscrit devait être mis au rebut; et il fallait terminer la révision du manuscrit en moins de trente jours, sous peine de devoir rejeter tout l’exemplaire. Tout manuscrit qui survivait à un tel processus devait être extraordinairement fiable.

LE TEXTE MASSORÉTIQUE

Les massorètes avaient pour but de préserver le texte de l’Ancien Testament du moindre changement. C’est pourquoi ils rassemblèrent des instructions détaillées, appelées « la Massore ». Une fois terminé, ce travail fut appelé « la muraille de la loi ». Grâce à leurs efforts, nous possédons maintenant un texte normatif, conforme à la tradition.

Le texte qui a servi à mettre au point la « Version Autorisée » anglaise s’appelle le texte Ben Hayim – du nom de Jacob Ben Hayim, qui le fit imprimer en 1524 et 1525. Il est semblable au texte dit « de Ben Asher » (qui vécut à Tibériade en Palestine, au dixième siècle et qui, avec l’aide de membres de sa famille, mit au point une version rigoureuse du texte massorétique). Nous avons là un texte fidèle et authentique.

Grâce à la providence particulière de Dieu, nous pouvons affirmer avec certitude que le texte hébreu massorétique est extrêmement proche de l’original hébreu.

RÉCAPITULATION DES MOYENS EMPLOYÉS PAR DIEU POUR PRÉSERVER L’ANCIEN TESTAMENT

En résumé, quels sont les moyens employés par Dieu pour assurer la préservation de l’Ancien Testament?

Pour commencer, il y a le profond respect que portaient les Juifs aux Saintes Écritures. Le Juif tremblait littéralement devant la Parole écrite; Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe affirment qu’il aurait accepté de souffrir mille morts plutôt que de changer quoi que ce soit aux Saintes Écritures. Dieu s’est servi de ce respect pour le texte afin de préserver celui-ci des falsifications et des corruptions.

Ensuite, il y avait les commandements solennels contenus dans les Écritures, par exemple en Deutéronome 4.2: « Vous n’ajouterez rien à la Parole que je vous commande, et vous n’en diminuerez rien ». De tels commandements émanaient de l’autorité divine et remplissaient le coeur des hommes d’une crainte véritable.

Troisièmement, ces rouleaux étaient déposés dans le Saint des saints. Il n’y avait pas de lieu plus sacré sur terre, et ces livres demeuraient donc à l’abri de toute ingérence humaine.

Quatrièmement, le professionnalisme remarquable des scribes et des massorètes garantit que le texte fut préservé dans sa pureté. C’étaient d’éminents lettrés, versés dans la loi de Dieu, et respectés entant qu’interprètes des Écritures saintes.

Cinquièmement, le travail de copie s’effectuait sous la supervision des prophètes. Tout au long de la période de l’Ancien Testament, les prophètes exercèrent un ministère unique et purent surveiller le travail de copie. Ils auraient été prompts à repérer la moindre erreur de transcription.

Sixièmement, les Juifs récitaient constamment leurs Écritures, comme Deutéronome 6.7 en témoigne clairement: « Tu les enseigneras soigneusement à tes enfants, et tu t’en entretiendras quand tu demeureras en ta maison, quand tu voyageras, quand tu te coucheras, et quandtu te lèveras. » À force de répétitions, le texte devenait tellement familier que si on y changeait même un seul mot, on s’en apercevait, et cela n’aurait pas manqué de susciter des protestations vives, voire véhémentes.

Septièmement, Christ et ses apôtres ont accrédité la version des Écritures qui avait cours auprès de leurs contemporains. Le texte qui pour eux était normatif est exactement le même que celui que nous avons aujourd’hui. Comme ils n’hésitaient pas à le citer en l’appelant Parole de Dieu, nous avons là le sceau indiscutable de son authenticité et de sa fiabilité.

Ces considérations-là, entre autres, nous conduisent à croire que Dieu a préservé le texte de l’Ancien Testament d’une manière prodigieuse. Quand nous entendons lire cet Ancien Testament conforme au texte massorétique, nous pouvons être assurés que ce que nous lisons et entendons est bien la Parole de Dieu. Quel que soit l’intérêt des manuscrits de la mer Morte, nous n’avons pas à en accepter les variantes particulières, pas plus que celles de la traduction latine, ni celles d’une autre source quelle qu’elle soit.

Dieu a préservé sa Parole. Cela ne veut pas dire que tout au long de l’histoire, Dieu ait accompli des miracles à répétition, ni qu’il ait « inspiré » les divers rabbins et les scribes qui ont travaillé sur le texte. Nous le reconnaissons: il y a longtemps que les autographes ont disparu, et certaines erreurs se sont glissées dans les copies dont nous disposons à présent: c’est pourquoi la critique textuelle est indispensable. La doctrine de la « préservation providentielle » demande à être définie avec soin. Que signifie-telle exactement? Citons ici le professeur John H. Skilton: « Dieu, qui a donné les Écritures, et qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté, a pris soin de sa Parole d’une manière remarquable, et pour l’essentiel, l’a gardée pure et l’a rendue capable d’atteindre le but en vue duquel il l’avait donnée » (7).

Le texte hébreu fut donné à l’origine par le moyen de Moïse et des prophètes. Fidèlement recopié par les scribes, il fut officialisé par Esdras et les hommes de la « grande synagogue ». Il reçut la caution de notre Seigneur et de ses apôtres, et fut retranscrit avec un soin méticuleux par les massorètes. Si notre foi est orthodoxe, nous devons affirmer hardiment que nous croyons en l’Ancien Testament qui est la traduction du texte massorétique hébreu.

LE NOUVEAU TESTAMENT

Le Seigneur Jésus-Christ attribuait aux Écritures de l’Ancien Testament une autorité divine (Matthieu 5.18 et 15.3; Marc 12.36; Jean 10.35). Il promit également qu’après son retour au ciel, il enverrait l’Esprit de Dieu pour communiquer encore d’autres vérités à ses serviteurs choisis, en rendant ces derniers capables de les consigner par écrit. Ainsi, l’Église chrétienne aurait un guide infaillible, que Jésus appelle « le Consolateur ». « Le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses; et il vous rappellera le souvenir de toutes les choses que je vous ai dites » (Jean 14.26; voir aussi 16.12, 13).

Au départ, l’enseignement était seulement oral. On s’aperçut assez vite, cependant, qu’il était indispensable de formuler la vérité chrétienne par écrit. D’une part, les apôtres (les témoins de notre Seigneur aux jours de sa chair) commençaient à se rendre dans des pays lointains; et le temps n’était plus très loin où ils seraient enlevés par la mort (2 Timothée 4.6; et 2 Pierre 1.14). D’autre part, le nombre de nouveaux convertis et d’églises ne cessait de croître, et il fallait leur assurer régulièrement une instruction complète et détaillée. (Luc 1.3, 4; Actes 1.1). En outre, des écrits apocryphes et hérétiques circulaient déjà, engendrant beaucoup de confusion doctrinale (2 Thessaloniciens 2.1, 2; 3.17).

Le Saint-Esprit, qui avait anticipé tout cela, exerça son influence sur certains hommes choisis, qui mirent par écrit ce qui était infaillible et inerrant. Ainsi, à la fin de son Évangile, Jean se décrit comme le disciple « qui rend témoignage de ces choses, et qui a écrit ces choses, et nous savons que son témoignage est digne de foi » (Jean 21.24; voir aussi 1 Corinthiens 14.37; Galates 1.20; Philippiens 3.1; 1 Jean 1.4: « Et nous vous écrivons ces choses… » dit l’apôtre).

LA VÉRITÉ CHRÉTIENNE MISE PAR ÉCRIT

Ainsi naquirent les Écritures du Nouveau Testament. Au départ, elles furent rédigées en grec, langue commune à tout l’Empire romain lors des débuts du christianisme. On écrivait sur des supports spécialement préparés à cet effet; sur du papyrus, substance ressemblant à du papier, fabriqué avec les fibres de la plante du même nom; plus tard, on écrivait sur du parchemin, fabriqué au moyen de peaux d’animaux, et appelé vélin s’il était de première qualité. Ces documents avaient l’aspect de rouleaux (si on s’était servi de papyrus) ou de livres (si on avait utilisé du parchemin ou du vélin). Le terme technique désignant ces derniers est le mot « codex ».

On se servait de plumes faites de tiges de roseau ou bien de plumes d’oiseaux. L’encre était presque toujours noire, à base de carbone, préparée avec de la suie mêlée de gomme. Plus tard, vers le cinquième siècle, on se servit d’une encre métallique rouge, faite à partir de la noix de galle, mais seulement, semble-t-il, pour faire ressortir tel ou tel élément.

Le Nouveau Testament contient, bien sûr, des allusions à « l’écriture », au « papier », c’est-à-dire au papyrus, à « l’encre », et aussi à des « livres » et des « parchemins » (c’est-à-dire des peaux spécialement préparées). Voir 2 Timothée 4.13; 2 Corinthiens 3.3; 2 Jean 12; et 3 Jean 13.

Une question intéressante se pose à présent: que sont devenus les documents originaux?

LES ORIGINAUX DIVINS

Immédiatement reconnus par les premiers chrétiens comme étant investis d’une autorité divine (1 Corinthiens 14.37), ces textes furent d’abord lus par leurs destinataires, qui étaient soit des individus, soit des Églises. Ensuite on les remettait en circulation pour que le plus grand nombre possible puisse bénéficier des enseignements apostoliques (1 Thessaloniciens 5.27; Apocalypse 1.3; Colossiens 4.16; 2 Pierre 3.15, 16). Malheureusement, ces originaux, ces « autographes » ne pouvaient survivre bien longtemps, puisque d’une part ils devenaient vite fragiles et se désintégraient à force de servir, et que d’autre part, ils subissaient les dangers inhérents aux accidents et à la persécution.

Il se peut qu’un traité écrit vers l’an 200 contienne une allusion aux originaux. Tertullien, l’un des premiers « Pères de l’Église » est l’auteur de ce traité intitulé « Prescription contre les hérétiques ». Dans le trente-sixième chapitre, il écrit: « Mais voulez-vous satisfaire une louable curiosité… parcourez les Églises apostoliques, où… vous écouterez la lecture de leurs lettres originales. Êtes-vous près de l’Achaïe, vous avez Corinthe; de la Macédoine, vous avez Philippes et Thessalonique. Passez-vous en Asie, vous avez Éphèse; êtes-vous sur les frontières de l’Italie, vous avez Rome, à l’autorité de qui nous sommes aussi à portée de recourir » (8).

Quoique tous les érudits ne soient pas du même avis, certains estiment que ce passage se rapporte aux textes grecs originaux. Tertullien, disent-ils, encourageait ses lecteurs à visiter ces lieux où l’on conservait les originaux, pour qu’ils voient de leurs propres yeux les écrits sacrés et divins du Nouveau Testament (9).

DES COPIES EXACTES

Quoi qu’il en soit, les manuscrits issus de la main des apôtres n’ont guère pu subsister au-delà de l’an 200. Mais notre Seigneur avait ordonné que l’Écriture chrétienne soit préservée. « Le ciel et la terre passeront, dit-il, mais mes paroles ne passeront point » (Matthieu 24.35;voir aussi 1 Pierre 23.25). Ces Écritures furent préservées grâce à des copistes fidèles et consciencieux.

Déjà à l’époque apostolique, des individus aussi bien que des Églises possédaient des copies des livres du Nouveau Testament. Pierre, en tout cas, connaissait les Épîtres de Paul aux chrétiens d’Asie Mineure (les Galates, les Éphésiens, les Colossiens) et il indique clairement qu’il connaissait « toutes ses lettres » (2 Pierre3.15, 16). L’Église de Colosses était prévenue que la lettre qu’elle avait reçue de Paul ne lui appartenait nullement en propre, mais que cette lettre (certainement sous la forme d’une copie) devait être lue également dans l’Église de Laodicée. Paul ordonna en outre aux Colossiens de lire l’Épître qu’on leur enverrait de Laodicée – vraisemblablement l’Épîtreaux Éphésiens – sans doute aussi sous la forme d’une copie (voir Colossiens 4.16). En peu de temps, il y eut des collections de livres. Les Églises chrétiennes avaient besoin de séries complètes pour la lecture publique pendant le culte.

Les écrits des Pères apostoliques du deuxième siècle confirment indirectement ces pratiques. Par souci de concision, nous n’en citerons qu’un: Polycarpe, disciple de l’apôtre Jean, écrit aux Philippiens en citant abondamment les Évangiles et les Épîtres, puis se déclare assuré que les Philippiens eux-mêmes sont versés dans les Saintes Écritures (10). À cette date, des copies existaient certainement, et nous avons la preuve qu’elles circulaient largement.

Les premières copies émanent peut-être de la main des apôtres eux-mêmes. Dans sa prison romaine, Paul demandait qu’on lui apporte « les livres, mais surtout les parchemins » (2 Timothée 4.13). J. P. Lilley pense que « les parchemins » étaient des copies ou des portions des Écritures, ou même des lettres adressées aux Églises par Paul lui-même (11). On suppose également (probablement avec raison) que Jean avait préparé sept copies de son « Apocalypse » pour en envoyer un exemplaire à chacune des sept Églises d’Asie Mineure (Apocalypse 1.4-6; 2.1, 8, 18, etc.) (12).

Si les apôtres eux-mêmes n’ont pas toujours fait ces copies de leur propre main, sans doute ce travail fut-il souvent accompli par leurs secrétaires. Nous avons la preuve que parfois les apôtres employaient des secrétaires pour la transcription de livres ou de lettres (Romains 16.22; 1 Pierre 5.12). Pourquoi n’auraient-ils pas sollicité de l’aide pour un travail de copie?

Le terme « scribe » équivaut à l’origine à celui de « secrétaire » (Esdras 4.8; Esther 3.12; Jérémie 8.8). Or le Seigneur a promis d’en envoyer dans l’Église chrétienne: « Car voici, je vous envoie des prophètes, et des sages, et des scribes… » (Matthieu 23.34; voir aussi 13.52). Il y en avait vraisemblablement parmi les assistants de Paul. En effet, l’apôtre fait allusion à Zénas, docteur de la loi, et à Apollos (Tite 3.13).

Les copistes transcrivaient ces documents avec un soin extrême. Comment le savons-nous? Premièrement, parce que ces livres du Nouveau Testament étaient investis de la même sainteté que les Écritures de l’Ancien Testament (1 Timothée 5.18 cite Luc 10.7 en le mettant sur le même plan que Deutéronome 25.4, et en l’appelant « Écriture »; 2 Pierre 3.16 place les écrits de Paul dans la même catégorie que « les autres Écritures »). Deuxièmement, presque tous les copistes de la première Église devaient être des scribes juifs, convertis ou rétribués; et leur respect pour la Parole de Dieu les obligeait à faire des copies parfaitement exactes (Jérémie 36.28; voir aussi Deutéronome 10.4). Troisièmement, les Écritures elles-mêmes, se définissant comme la Parole inspirée et investie de l’autorité divine, interdisaient sévèrement toute modification du texte sacré (1 Corinthiens 2.13; 2 Corinthiens 2.17; Apocalypse 22.18, 19). Quatrièmement, sachant que les apôtres étaient en vie et demeuraient vigilants, ces copistes de l’Église primitive devaient apporter tous leurs soins pour réaliser des manuscrits de la meilleure qualité possible. Enfin, cinquièmement, si au début la tâche de copiste était dévolue aux collaborateurs des apôtres, appelés évangélistes (selon Eusèbe, ils avaient le devoir de remettre aux nouveaux convertis le livre des divins Évangiles) (13), n’oublions pas que ces hommes avaient reçu des dons miraculeux du Saint-Esprit, et qu’ils étaient donc particulièrement bien équipés pour préserver le texte inspiré.

De plus, il convient de ne pas oublier le facteur divin: dans sa providence à la fois vigilante et gracieuse, Dieu s’est de toute évidence assuré que le texte du Nouveau Testament fût transmis aux générations futures.

LES VARIANTES TEXTUELLES

En dépit de tout cela, des erreurs sont cependant apparues dans certaines copies; et à mesure que l’on multipliait les copies, un certain nombre de variantes ont fait leur apparition. Parmi ces variantes, on distingue en général d’une part les modifications accidentelles, et d’autre part les modifications voulues. Les modifications accidentelles sont des fautes d’orthographe, des lettres confondues entre elles, des changements dans l’ordre des mots, l’utilisation de synonymes ou d’équivalents, et l’omission ou la répétition de lettres, de mots, de lignes, ou même de passages. La grande majorité des variantes résulte d’erreurs de cette nature, commises par les scribes.

Mais on trouve aussi des modifications intentionnelles, c’est-à-dire que quelqu’un a volontairement changé le texte sacré, généralement au profit d’une théologie ou d’une doctrine particulière. Dans une lettre écrite vers l’an 168 ou 170 de notre ère, Dionysius, serviteur de Dieu à Corinthe, déplore le fait que ses propres lettres aient subi des modifications, puis ajoute: « il n’est donc pas étonnant que certains se soient mis en devoir de modifier les Écritures du Seigneur » (14). Un inconnu (Hippolyte selon les uns, Gaïus selon les autres) écrit vers l’an 230: « [Les hérétiques] n’ont pas craint de toucher aux Écritures divines, affirmant qu’ils les avaient rectifiées » (15). Qui donc étaient ces hérétiques qui avaient l’audace de faire une chose pareille?

Certains sont pratiquement inconnus, comme par exemple Asclépiade, Théodote, Hermophile, et Apollonides; d’autres sont bien connus, comme par exemple les premiers gnostiques (qui enseignaient le salut par les connaissances secrètes); Basilide, Valentin, et bien sûr Marcion, qui n’acceptait comme canonique que sa propre version mutilée de l’Évangile de Luc, et dix des Épîtres de Paul. « Carrément et publiquement, Marcion maniait le couteau et non la plume, retranchant des Écritures tout ce que bon lui semblait, afin d’étayer ses propres idées » (16).

LA REPRODUCTION DU TEXTE NÉOTESTAMENTAIRE AUTHENTIQUE

Les enseignants orthodoxes n’ignoraient rien de ces modifications pernicieuses. Ils les dénonçaient aussi bien dans leurs enseignements oraux que dans leurs écrits. C’est pourquoi, d’une manière générale, les manuscrits considérés comme défectueux ne servaient pas à faire des copies. Seuls les documents fidèles aux originaux servaient de modèles pour la production de nouveaux exemplaires.

Avons-nous des preuves permettant de conclure qu’il en fut bien ainsi?

Les conducteurs spirituels de l’Église primitive estimaient être en mesure d’évaluer les divers manuscrits, pour choisir les meilleurs et les plus fidèles. Irénée, par exemple, dans son grand ouvrage intitulé « Contre les hérésies » fait mention des « copies les plus anciennes et les plus dignes d’approbation » (17). On jugeait de la fidélité d’un texte en fonction des critères suivants:

1. L’identité du copiste. S’il s’agissait d’un chrétien sans qualifications particulières, sa copie était susceptible de contenir un certain nombre d’erreurs. Mais s’il s’agissait d’un assistant des apôtres ou d’un scribe professionnel, on pouvait s’attendre à un haut degré de fidélité.

2. La nature du manuscrit ayant servi à faire la copie. Tout au début, il a pu s’agir de l’original inspiré, mais par la suite, ce ne pouvait être qu’une copie. De nombreuses copies appartenaient à des individus et servaient au culte personnel. Mais d’autres étaient des copies « officielles », servant aux responsables pour la lecture publique et la prédication pendant le culte. Les seconds s’avéraient toujours bien plus fidèles que les premiers; et quand on les recopiait, la copie était le reflet rigoureux de leur fidélité.

3. Le nombre de copies déjà effectuées. Une copie faite d’après l’original ou l’une des toutes premières copies était bien plus susceptible d’être fidèle que ne l’était une copie issue d’un processus long et compliqué. En effet, plus une copie est éloignée de l’original, plus il y a de chances que des erreurs s’y glissent.

Ayant conscience de cela, les premiers copistes accordaient leur préférence aux textes « proches parents » des originaux, les jugeant fidèles et authentiques. Dans ces conditions, on pouvait supposer que les textes fidèles allaient se multiplier et abonder; c’est exactement ce qui s’est produit. L’immense majorité des manuscrits grecs existants s’accordent entre eux et plaident donc en faveur d’un type de texte particulier. Un « manuscrit ancien » n’est pas forcément « le meilleur »: d’une part, il peut être la copie d’un autre manuscrit contemporain, lui-même défectueux; et d’autre part, il peut n’être confirmé que par une petite minorité des manuscrits existants. Par ailleurs, les milliers de manuscrits plus tardifs peuvent fort bien être la reproduction de manuscrits antérieurs à celui qui passe pour être « le plus ancien », et ils peuvent être bien plus nombreux parce que leur texte source était considéré par la majorité des scribes et des lettrés comme le plus proche du véritable texte de l’Écriture originale.

4. Le lieu de provenance de la copie. Ce sont les Églises elles-mêmes qui sont devenues les gardiennes de la pure Parole de Dieu (comme les synagogues de jadis). Si une copie avait été conservée dans une Église, il s’agissait très vraisemblablement d’une transcription reconnue comme fidèle et authentique.

5. La qualité générale de la copie. Certaines copies contiennent des erreurs manifestes. Elles sont mal écrites et bourrées de fautes grossières. L’auteur d’une copie pareille était ignorant ou négligent – peut-être les deux à la fois. On ne considérait pas cette sorte de copie comme un témoin fiable du texte néotestamentaire authentique. En revanche, une copie retranscrite avec soin inspirait confiance, et servait à son tour de modèle pour la préparation minutieuse d’autres exemplaires.

6. La copie s’accorde-t-elle avec les autres exemplaires existants? Ce serait une erreur de croire qu’un scribe n’avait sous les yeux qu’un seul texte. Au cours des deux premiers siècles, les copies se multiplièrent tant et si bien qu’en comparant les textes entre eux, on repérait les anomalies et on s’assurait d’avoir une version semblable à celle des auteurs inspirés. Les premiers chrétiens étaient bien mieux placés que nous pour se livrer à cette opération: ils avaient accès à des manuscrits qui pour nous ont disparu depuis longtemps.

7. La proximité d’un centre chrétien réputé. Une copie effectuée loin des lieux où les apôtres et leurs successeurs immédiats exerçaient couramment leur ministère pouvait avoir subi des modifications importantes; mais une copie réalisée dans une région où l’Église primitive était intensément active représentait, selon toute probabilité, la tradition textuelle dans sa pureté.

Les enseignants orthodoxes du premier et du second siècle n’ont peut-être pas toujours eu accès aux meilleurs manuscrits, mais ils semblent avoir su identifier « les copies anciennes dignes d’approbation ». Les copistes faisaient tout leur possible pour se procurer le texte qui leur avait servi de source, si bien que dans leur immense majorité, les manuscrits grecs primitifs étaient d’accord entre eux pour l’essentiel. Il est donc permis de penser que le texte majoritaire reproduit l’original avec une précision étonnante.

LES MANUSCRITS GRECS QUI SUBSISTENT

D’après une liste récente, il existe 5 588 manuscrits (18) reproduisant le Nouveau Testament en tout ou en partie. On les classe dans les catégories habituelles:

1. Les papyrus.

D’après les statistiques de 1989, 96 papyrus figurent au catalogue. Presque tous sont fragmentaires, mais à l’origine ils ont dû se présenter sous forme de « codex », c’est-à-dire de livres. On les a trouvés surtout en Égypte, là où le climat et le sable ont favorisé leur conservation. Pour se référer à ces fragments, les érudits emploient la lettre P suivie d’un numéro: P1, P2, P3, et ainsi de suite.

P 52 (appelé aussi: Fragment de Rylands) passe pour être le plus ancien. Il ne fait que 6,4 cm sur 8,9 cm et contient quelques versets de l’Évangile de Jean (18.31-33 au recto, et au verso, 37-38). On le date de l’an 125 environ.

Parmi les papyrus les plus importants se trouvent P 45, P 46, et P 47. On les appelle les papyrus bibliques Chester Beatty, du nom de Sir Chester Beatty, qui en fit l’acquisition en 1930 et 1931. Ils contiennent des portions des Évangiles, des Épîtres de Paul, et de l’Apocalypse.

Une autre collection importante est celle de la Bibliothèque Bodmer (acquise par M. Martin Bodmer à partir de 1956). Dans cette collection figure P 66, comprenant des pages et des fragments d’uncodex de l’Évangile de Jean transcrit vers l’an 200; et P 72, une copie du troisième siècle, peut-être, donc, la plus ancienne copie que nous ayons des Épîtres de Pierre et de Jude.

2. Les onciaux.

On connaît 299 onciaux. Écrits à partir du quatrième siècle sur parchemin ou sur vélin, sous forme de codex, c’est-à-dire de livres, tous ces textes sont en onciales, c’est-à-dire en majuscules sans aucune ponctuation. Les plus anciens sont désignés par une lettre majuscule, suivie d’un numéro de série commençant par un zéro: par exemple, A-02.

Les plus tardifs ne portent que des numéros, par exemple 046.

Au nombre de ceux qu’abrite le British Museum, il y a le Codex Alexandrinus, A-02. Cette copie fut réalisée en Égypte au cours de la première moitié du cinquième siècle. Lorsqu’elle était complète, elle comprenait toute la Bible grecque avec un ou deux des apocryphes. Elle comprend aujourd’hui tout l’Ancien Testament et la plus grande partie du Nouveau, mais il manque Matthieu 1.125 à 6; Jean 6.50 à 8.52; et 2 Corinthiens 4.13 à 12.7. Le patriarche d’Alexandrie offrit ce manuscrit à Charles 1er en 1627.

Un autre codex datant du cinquième siècle est le Codex Bezae, D-05. En 1581, Théodore de Bèze, le successeur de Jean Calvin, offrit ce manuscrit à l’Université de Cambridge, où il se trouve toujours. Ce codex comprend les textes grecs et latins – le grec sur la page de gauche, et le latin sur la page de droite. Il contient la plupart des Évangiles et le livre des Actes, ainsi que quelques versets de la troisième Épître de Jean.

Les manuscrits les plus célèbres parmi les onciaux sont le Codex Sinaïticus,  est la première lettre. Aleph-01 (Aleph de l’alphabet hébreu) et le Codex Vaticanus, B-03.

Le Codex Sinaïticus, qui date du milieu ou de la fin du quatrième siècle, ne contient qu’une partie de l’Ancien Testament, mais la totalité du Nouveau Testament grec. C’est le seul manuscrit contenant un Nouveau Testament complet en onciales. Ce codex égyptien est écrit sur du vélin, chaque page comportant quatre colonnes de quarante-huit lignes; mais le texte lui-même porte les traces indiscutables de plusieurs corrections. C’est en 1844 que Constantin Tischendorf découvrit quelques-unes de ses pages dans une corbeille à papier, au monastère Sainte-Catherine au pied du mont Sinaï. Tischendorf dut cependant attendre 1859 avant de voir tout le Nouveau Testament. Ayant reçu la permission d’emporter le manuscrit au Caire, il en fit réaliser une copie, et en 1862, grâce à la générosité d’Alexandre II, empereur de Russie, il publia une édition de ce manuscrit avec une introduction et des notes critiques.

On peut également dater le Codex Vaticanus de la moitié du quatrième siècle. Comme Aleph, il est écrit sur du vélin de qualité, mais ne comporte que trois colonnes de quarante-deux lignes chacune par page. C’était autrefois une Bible complète, mais il a depuis longtemps perdu certaines portions de l’Ancien Testament et de longs passages du Nouveau Testament. Cet oncial ne contient ni les Épîtres pastorales, ni Philémon, ni la conclusion de l’Épître aux Hébreux (de 9.14 jusqu’à la fin), ni l’Apocalypse. Différents correcteurs ont travaillé dessus, et au dixième siècle, quelqu’un a repassé de l’encre sur une grande partie du texte original, sans doute par crainte de voir les lettres s’effacer avec le temps. Certaines particularités orthographiques suggèrent que ce manuscrit est originaire d’Alexandrie, mais personne ne sait comment il est arrivé dans la Bibliothèque du Vatican à Rome. Cette bibliothèque fut fondée en 1448 par le pape Nicolas V, et ce manuscrit figure dans le catalogue le plus ancien, celui de 1475. Samuel Tregelles tenta de le consulter en 1845, mais fut considérablement gêné par les clercs qui avaient la garde du codex. En 1866, Tischendorf fut autorisé à l’étudier pendant quarante-deux heures. À la suite de cette étude et grâce à ses notes, on publia une édition de ce Codex B en 1867. Il y eut ensuite une autre édition, sous l’égide des autorités papales, préparée par Vercellone et Cozza en 1868. Enfin, en 1889-1890, un fac-similé photographique fut mis à la disposition des érudits.

 

3. Les minuscules

Il en existe 2 812. On appelle ces manuscrits des minuscules, parce qu’ils sont rédigés non en majuscules, mais en minuscules ou lettres cursives. Cette graphie servait depuis des siècles à rédiger des documents pour les particuliers, mais c’est seulement au neuvième siècle qu’on commença à s’en servir pour la littérature. Comme on demandait de plus en plus d’exemplaires du Nouveau Testament, cette graphie offrait l’avantage d’une rapidité accrue, et requérait moins de place sur les parchemins. On identifie les minuscules au moyen de chiffres ordinaires: 1, 2, 3, et ainsi de suite.

C’est donc à partir du neuvième siècle qu’on se mit à rédiger des manuscrits en minuscules. Mais ces dates tardives ne signifient pas forcément que ces documents soient un reflet moins crédible des originaux. Les manuscrits du neuvième siècle peuvent être des copies de manuscrits anciens et fidèles datant du troisième siècle. Comme l’a fait remarquer le professeur B. B. Warfield: « Ce n’est pas la date d’un manuscrit qui mesure son éloignement de l’autographe; c’est le nombre de copies qui l’en sépare » (19).

Parmi ces minuscules se trouvent les documents suivants:

MS 1: un codex du douzième siècle, contenant tout le Nouveau Testament, à l’exception de l’Apocalypse; MS 4: une copie des quatre Évangiles, datant du douzième siècle; MS 12: une copie des Évangiles, datant du onzième siècle; MS 21: un document du dixième siècle, contenant les Évangiles; MS 43: un ouvrage du onzième siècle en deux volumes, le premier contenant les Évangiles, et le deuxième les Actes et les Épîtres; MS 330: un manuscrit du onzième siècle, contenant les Évangiles, les Actes, et les Épîtres; MS 565: un magnifique exemplaire des Évangiles datant du neuvième siècle, écrit en lettres d’or sur du vélin violet.

4. Les lectionnaires

On en compte 2 281. Certains de ces textes remontent au sixième siècle, et ils contiennent les Évangiles et les Épîtres – Evangelaria et Apostoli – les lectures officielles qui se pratiquaient dans les Églises chrétiennes primitives. La plupart sont écrits en lettres onciales, mais certains sont en minuscules. Là encore, on les désigne par des chiffres, précédés de la lettre l ou de l’abréviation Lect.: Par exemple, l 59, ou bien Lect. 1280.

Ce sont des manuscrits importants, non seulement parce que certains sont très anciens, mais aussi parce qu’ils servaient au culte public dans l’Église. On prenait en effet grand soin dans l’Église d’utiliser seulement des copies qui conservaient leur pureté originale, et le témoignage d’un lectionnaire était en fait le témoignage de l’ensemble des Églises. Quand on examine aujourd’hui les lectionnaires qui subsistent, on découvre qu’ils concordent entre eux de manière étonnante. Assurément, ce phénomène ne s’explique que parce qu’il existait une « version du lectionnaire » reconnue partout.

LA CLASSIFICATION

Nous disposons donc d’un grand nombre de manuscrits grecs, dont certains remontent jusqu’au deuxième siècle. Les érudits qui les ont étudiés soutiennent que malgré l’existence de différences, certains manuscrits ont en commun de nombreuses variantes, ce qui démontre l’existence de groupes, ou de « familles ». Les principaux groupes, ou types de textes, sont les suivants: 1. Le texte byzantin (parfois appelé traditionnel, majoritaire, ou antiochien); 2. Le texte alexandrin (qualifié par certains de « texte neutre ») 3. Le texte occidental, et 4. Le texte de Césarée.

Dans le cadre de cet article, il n’est pas nécessaire de s’attarder longuement sur ces deux dernières catégories. C’est B. H. Streeter, dans son ouvrage The Four Gospels (1924) qui déclara avoir découvert le texte de Césarée. Il s’agissait, à son avis, du texte de l’Évangile de Marc cité par Origène à partir de 231, année où ce dernier arriva à Césarée. Mais les critiques textuels d’aujourd’hui doutent qu’on puisse classer ce document dans une catégorie à part entière; ils y voient plutôt un simple mélange.

Quant au type occidental, identifié par B. F. Westcott et F. J. A. Hort, et censé être originaire d’Europe occidentale, il semble dans une certaine mesure légitime de soutenir qu’il existe. Il est représenté par le Codex Bezae (5e siècle), l’ancienne traduction latine (troisième siècle) et la traduction syriaque dite « de Cureton » (cinquième siècle) (20). Certains des premiers Pères de l’Église le citent, par exemple Irénée, Tertullien, et Cyprien. Cependant, ce type de texte diffère radicalement de tous les autres. Il est détérioré par nombre d’omissions, non seulement de versets, mais de passages entiers. Mais il se caractérise surtout par des additifs, sous forme de paraphrases ou de détails rajoutés. Le texte des Évangiles (surtout la deuxième moitié de Luc) est raccourci, tandis que celui des Actes est bien plus long (d’environ 10%). Selon Sir Frederic Kenyon, c’est un exemple typique « du texte qui s’écarte largement de la tradition authentique ». Puisque très peu de manuscrits sont susceptibles de le confirmer, et qu’il renferme une multitude de variantes qui lui sont propres, ce type de texte est au moins discutable, si ce n’est entièrement indigne de confiance.

Voilà qui nous laisse deux principaux groupes de textes: le groupe byzantin, et le groupe alexandrin.

A. Le texte de type byzantin

Le type byzantin est ainsi appelé parce qu’il fut très tôt associé à la ville impériale de Constantinople, jadis appelée Byzance, et aussi parce qu’il est devenu le texte normatif de l’Église chrétienne tout au long de la période byzantine, depuis 312 après Jésus-Christ jusqu’en 1453, et même bien au-delà. Mais avant d’être intronisé dans la capitale orientale, ce type de texte avait été préservé à Antioche, capitale de la province romaine de Syrie. De toute évidence, des enseignants chrétiens associés à l’Église d’Antioche s’en sont servis, entre autres Basile de Césarée, Grégoire de Nysse, et Grégoire de Nazianze (les Pères de Cappadoce). Théodoret de Cyr s’en servit aussi, ainsi que Chrysostome de Constantinople, qui quitta Antioche en l’an 398 pour devenir évêque de Constantinople.

Le texte de type byzantin est plus que largement confirmé par les manuscrits grecs.

Les premiers papyrus témoignent d’un nombre phénoménal de variantes typiquement byzantines. On retrouve ces mêmes variantes dans P 45 et P 46 (papyrus de Chester Beatty) et dans P 66 (Collection de la Bibliothèque Bodmer). Le professeur H. A. Sturz a dressé une liste de 150 variantes byzantines confirmées par des papyrus fort anciens (21). Cela prouve que contrairement à l’opinion des critiques textuels de la première génération, les variantes byzantines remontent au deuxième siècle.

Les lectionnaires qu’on a examinés à ce jour confirment également le texte de type byzantin.

1. Un texte confirmé par les versions les plus anciennes

Il s’agit des premières traductions du Nouveau Testament, réalisées pour favoriser la propagation de la foi chrétienne parmi les peuples de la terre. Parmi les plus anciennes que nous connaissions, il y a la version syriaque (ou araméenne) et des traductions latines datant de la moitié du deuxième siècle. La Peshitta, dite « reine des versions » est l’une des traductions syriaques les plus anciennes, et elle contient indubitablement des variantes byzantines. Il en va de même pour la version gotique du quatrième siècle, dont le traducteur, dit-on, était Ufilas, évêque d’Antioche.

2. La confirmation des premiers « Pères de l’Église »

Certains critiques qui nient la primauté du texte byzantin, préférant y voir une révision effectuée au quatrième siècle, déclarent souvent qu’aucun « Père de l’Église » avant Chrysostome (347-407) ne paraît y avoir fait la moindre allusion, et encore moins l’avoir cité. Mais cela est faux, tout simplement. Les recherches minutieuses des érudits démontrent que Justin Martyr (100-165), Irénée de Lyon (130-200), Clément d’Alexandrie (150215), Tertullien (160-220), Hippolyte (170-236) et même Origène (180-254) citent à maintes reprises le texte byzantin. Edward Miller, après avoir établi un classement des citations des Pères grecs et latins morts avant l’an 400, a découvert que ces citations confirmaient le texte byzantin 2630 fois, et les autres textes seulement 1753 fois. De plus, en examinant trente passages-clé, il trouva 530 témoignages en faveur du texte byzantin, et 170 en faveur des versions concurrentes. Il conclut: « La prédominance originelle du texte traditionnel ressort de la liste des Pères les plus anciens. L’examen de leurs écrits prouve que dans leurs textes, et donc dans l’Église d’une manière générale, la corruption avait fait sentir ses effets dès les temps les plus anciens, mais qu’en général, les eaux pures l’avaient emporté sur elle… Cette tradition se perpétue chez la plupart des Pères qui leur ont succédé. Il n’y a ni cassure ni interruption: leur témoignage est constant » (22).

La réalité indéniable, c’est que dès le quatrième siècle, le texte byzantin néotestamentaire s’imposa comme faisant autorité, et que pendant plus de douze siècles son influence allait prédominer dans toute la chrétienté.

3. L’impression du Nouveau Testament grec

Le premier Nouveau Testament grec fut imprimé en 1514, mais il ne devait pas être publié séparément avant 1522. Ce fut l’oeuvre de Francisco Ximenes, cardinal primat d’Espagne; ce Nouveau Testament faisait partie de sa version polyglotte dite « Complutense » en six volumes (23). Dans sa dédicace au pape Léon X, Ximenes écrivait: « Quant aux textes grecs, nous avons une dette envers Votre Sainteté, qui a eu la bonté de nous envoyer de très anciens codex, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, en provenance de la Bibliothèque apostolique; cela nous a été d’un grand secours dans notre entreprise ». Le texte grec de cette version est conforme au type byzantin, et rien n’indique que Ximenes ait jamais suivi le Codex Vaticanus [B].

Lorsqu’en 1516 le plus grand savant d’Europe, Érasme, publia la première édition du Nouveau Testament grec, il prit comme base des manuscrits byzantins typiques. Il prépara quatre éditions successives de ce Nouveau Testament, en 1519, 1522, 1527 et 1535. D’autres marchèrent sur ses pas, surtout Robert Estienne, (qui latinisa son nom en Stephanus) éditeur et imprimeur français. Le texte qu’Estienne publia en 1546 était pratiquement identique à celui d’Érasme. Son Nouveau Testament grec fut réédité et publié par les soins de Théodore de Bèze entre 1565 et 1604. Puis en 1624, Bonaventure et Abraham Elzévir publièrent leur propre édition. La préface à la deuxième édition des frères Elzévir, parue en 1633, contient la phrase: « Vous avez donc à présent un texte qui est reçu par tous, et dans lequel nous n’avons introduit ni modification ni corruption. » De là vient l’expression maintenant familière de « Texte reçu ».

Le texte byzantin est la base de toutes les grandes Bibles protestantes anglaises, y compris de celles qu’on associe à William Tyndale (1525), à Miles Coverdale (1535), à John Rogers (1537), et à Richard Taverner (1539); il en va de même pour celle qui porte le nom de « Grande Bible » [the Great Bible] (1539), pour la « Geneva Bible » (1560), pour la « Bible des Évêques » (1568), et bien sûr, pour la « Version Autorisée » de 1611. On peut également citer la Bible Reina en espagnol, la Karoli hongroise, la Bible allemande de Luther, celle d’Olivétan en français, la Statenvertaling en néerlandais, l’Almeida en portugais, et la Diodati en italien.

Les arguments en faveur du texte byzantin peuvent se résumer ainsi:

1. Les versions de ce type sont liées à la ville d’Antioche de Syrie. Après la mort d’Étienne, les chrétiens de Jérusalem s’enfuirent à Antioche et se mirent à y prêcher l’Évangile aux Grecs (Actes11.19, 20). Une Église forte s’y développa, surtout grâce au ministère de Barnabas et de Paul (Actes 11.22-26). C’est de cette Église que partait Paul à chacun de ses voyages missionnaires (Actes 13.1-3, 15.35, 36, 18.22, 23). D’autres apôtres, dont Pierre, lui rendirent visite (Galates 2.11, 12). Bientôt, Antioche devint la mère des Églises non juives, et après la destruction de Jérusalem en 70, tous reconnurent indéniablement en elle la capitale du christianisme. Si un texte émanait d’Antioche, c’est qu’il avait reçu l’approbation des apôtres et de l’Église chrétienne primitive.

2. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, ce texte porte le nom de Byzance (c’est-à-dire de Constantinople, capitale de l’empire en Orient) parce que très tôt on l’y avait reconnu comme étant le texte grec normatif. Constantinople était à la fois le centre du monde hellénophone et de l’Église hellénophone; alors qu’en Occident le grec avait cédé la place au latin, en Orient il était toujours la langue officielle, la langue commune. Par conséquent, les lettrés grecs de Constantinople étaient particulièrement compétents pour reconnaître le texte authentique et pour le reproduire.

3. Au cours du quatrième siècle, alors que la supériorité de ce texte était indiscutée, l’Église connut la grâce d’avoir des érudits d’exception comme Méthode (260-312), Athanase (296373), Hilaire de Poitiers (315-367), Cyrille de Jérusalem (315-386), et Grégoire de Nazianze (330-394). Ces hommes, avec d’autres qui leur ressemblaient, s’efforcèrent de formuler la doctrine orthodoxe et de ratifier le canon du Nouveau Testament. Ils se consacrèrent aussi à l’étude du texte. Ils avaient un avantage sur les critiques textuels ultérieurs, puisqu’ils avaient accès à de nombreux manuscrits anciens et précieux, maintenant disparus. L’émergence, dès cette époque, d’un texte prépondérant est un fait de la plus haute importance. De toute évidence, ce texte était considéré comme la version authentique, intacte, officielle.

4. Les Juifs étaient les gardiens désignés des révélations divines dont ils avaient bénéficié; s’acquittant de la mission qui leur avait été confiée, ils préservèrent avec soin le texte de l’Ancien Testament de toute corruption, dans son intégralité: c’est le texte hébreu massorétique. Ainsi que le soutient l’apôtre Paul, « les oracles de Dieu leur ont été confiés » (Romains 3.2). Il est raisonnable de supposer que les Écritures du Nouveau Testament furent confiées à des chrétiens professants, ou à l’Église chrétienne professante. Il est naturel de se demander: « D’une manière générale, quel type de texte fut cautionné et propagé par l’Église dès les premiers siècles? » La réponse est: le texte « byzantin ».

5. Il s’avère qu’environ 90% des manuscrits grecs représentent le texte « byzantin ». Quoique ces manuscrits ne soient pas tous aussi anciens que ce que certains critiques auraient souhaité, ils sont si nombreux qu’on doit conclure à l’existence de centaines de documents parents, dont certains devaient remonter aux premiers temps du christianisme. D’une manière ou d’une autre, ce fait appelle une explication. On ne peut plus se borner à répéter, au mépris des preuves qui s’amoncellent, que « le texte byzantin n’apparaît pas dans l’histoire avant le quatrième siècle ». En fait, il date des débuts. S’il s’est aussi largement répandu, c’est parce qu’il est le reflet fidèle des originaux.

6. La Providence a toujours veillé avec soin sur la vérité, parce que les chrétiens ont besoin, pour connaître cette vérité, qu’elle soit formulée avec minutie et précision. (Matthieu 24.35; 1 Pierre 1.23, 25). C’est pourquoi la Parole qui fut communiquée par inspiration et celle qui fut publiée par la suite sont identiques (Psaume 68.11). Il serait inconcevable que Dieu donne à son peuple un texte entièrement corrompu et mutilé, et lui permette de se servir de ce texte pendant plus de dix-huit siècles: c’est pourtant ce que certains critiques textuels d’aujourd’hui voudraient nous faire croire! « N’oublions pas, écrit le Pr. Owen, que ce texte [le Texte reçu] si commun que nous utilisons a publiquement appartenu à de nombreuses générations… Qu’il soit tenu pour normatif, car c’est assurément son droit et son dû; et avec l’aide de Dieu, nous ne tarderons pas à comprendre à quel point les variantes qui nous déconcertent aujourd’hui sont peu fondées » (24).

7. Il est raisonnable de penser que Dieu a agi de façon similaire avec les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Sa méthode, pour l’Ancien Testament, fut de conserver le texte pratiquement inchangé tout au long de nombreuses générations. Le résultat, comme l’ont clairement déclaré le Christ et ses apôtres, est un Livre dans lequel chaque lettre et chaque trait de lettre est sacré (Matthieu 5.18; voir aussi Jean 10.35). Quand vint le temps de compléter la révélation ancienne, Dieu procéda de la même façon: Il fit mettre par écrit la Parole infaillible qu’il venait de donner,la confia à son Église, puis s’assura qu’elle fût transmise de siècle en siècle jusqu’à ce jour. « La parole du Seigneur demeure éternellement » (1 Pierre 1.25).

B. Le texte de type alexandrin

Il n’est représenté que par un tout petit ensemble de manuscrits. Des particularités orthographiques montrent qu’il convient de les associer à la ville d’Alexandrie en Égypte. Il n’est pas étonnant de trouver des variantes correspondant à ce type de texte parmi les premiers papyrus égyptiens (par exemple P 46 et P 47). Mais il est surtout représenté par le Codex Sinaïticus (le Codex Aleph) et le Codex Vaticanus (Codex B).

Les Pères d’Alexandrie, surtout Origène (185-254) et Cyrille (376-444), accordaient leur faveur à cette version-là.

Plusieurs remarques s’imposent ici.

1. Ce type de texte est issu d’Alexandrie en Égypte. Nulle part les Écritures ne témoignent de la moindre présence apostolique dans cette région; et l’histoire de l’Église révèle que bien des hérétiques notoires y résidèrent et y dispensèrent leurs enseignements, par exemple des gnostiques comme Basilide, Isidore, et Valentin. On doit considérer avec la plus grande prudence tout texte qui émane de cette région.

2. À l’évidence, cette version a subi des remaniements, comme en témoignent les changements dans l’ordre des mots. B. H. Streeter suppose que l’auteur de ces modifications fut un évêque égyptien appelé Hésychios d’Alexandrie (25). Tout cela indique que malgré l’existence de vigoureuses plaidoiries en faveur de ce texte, il est impossible de le tenir pour particulièrement « pur ».

3. Les deux grands représentants de ce type de texte, les codex Aleph (le Sinaïticus) et B (Vaticanus), sont de qualité particulièrement médiocre. Après avoir examiné Aleph, le Pr. F. H. A. Scrivener l’a déclaré « mal écrit » et « bourré de grossières erreurs de transcription », au

point « d’omettre des lignes entières de l’original ». Le Codex B, bien que « moins défectueux » est cependant « enclin à l’erreur » et renferme « des fautes manifestes » (26).

4. Ces manuscrits principaux montrent à quel point ils sont corrompus, car ils se contredisent eux-mêmes littéralement des milliers de fois. (Dans les seuls Évangiles, on compte trois mille de ces contradictions.)

5. Le texte d’Aleph (le Sinaïticus) et de B (Vaticanus) s’écarte de l’immense majorité des manuscrits grecs. Non seulement nous avons affaire à une toute petite famille de manuscrits, mais encore on estime qu’il y a environ six mille points sur lesquels le texte byzantin diffère du texte alexandrin.

6. Il s’avère que beaucoup de passages manquent dans B (Vaticanus), mais vu l’âge de ces manuscrits (ils datent de la moitié ou de la fin du quatrième siècle) ces deux onciaux sont remarquablement bien conservés. Puisque la plupart des manuscrits fidèles remontant à cette époque se sont désintégrés à force de servir, on peut supposer que ces deux codex furent écartés à cause de leurs défauts, et donc que l’Église primitive ne les utilisait pas.

7. Ce qui confirme cette conclusion, c’est que ces deux manuscrits ont généré très peu de copies. Comme l’affirme le Pr. Gordon Clark: « Si quelques dizaines de manuscrits sont issus d’un ancêtre commun, cela signifie que quelques dizaines de copistes ont estimé que cet ancêtre était fidèle aux autographes. Mais si un manuscrit génère très peu de copies, comme c’est le cas de l’ancêtre de B, on est en droit de penser que les premiers scribes doutaient de sa fidélité. Il se peut que les chrétiens orthodoxes des premiers siècles aient su que B était corrompu » (27).

LES ATTAQUES DE CRITIQUES CONTRE LE TEXTE BYZANTIN

Au dix-neuvième siècle, deux érudits de Cambridge, B. F. Westcott et F. J. A. Hort, publièrent une nouvelle théorie révolutionnaire sur la transmission du texte néotestamentaire au cours des premiers siècles. Ils soutenaient que la meilleure version était le texte alexandrin, qu’ils qualifiaient de « texte neutre », représenté par Aleph et B. Puisque ces deux manuscrits étaient légèrement plus anciens que les autres, Westcott et Hort soutinrent que leur ancêtre commun était proche du texte inspiré. Ils n’attribuaient pas à ce texte une pureté parfaite, mais furent néanmoins d’accord pour déclarer: « Nous croyons, premièrement, que les variantes d’Aleph-B doivent être considérées comme reflétant le texte authentique, tant qu’on ne découvre pas de fortes preuves internes en faveur du contraire; et deuxièmement, qu’on ne peut nullement rejeter avec juste raison la moindre variante d’Aleph-B, quoiqu’il soit parfois juste de puiser tantôt dans Aleph et tantôt dans B, surtout là où les variantes ne sont confirmées ni par les traductions ni par les Pères de l’Église » (28).

Le texte byzantin, que Westcott et Hort appelaient « le texte syriaque », contenait à leur avis « des fusions de variantes », c’est-à-dire des combinaisons entre variantes antérieures. Ils supposèrent que ces « fusions » provenaient d’une révision effectuée en deux étapes à Antioche, ou dans les environs de cette ville, au quatrième siècle. Tout en admettant que ce n’était qu’une « supposition », ils furent d’avis que « la diversité croissante et la confusion régnant au sujet des textes grecs aboutit à une révision faisant autorité à Antioche », puis plus tard à « une deuxième révision faisant autorité ». Tout ce processus, selon eux, s’acheva en 350. Ils émirent même l’hypothèse que Lucien d’Antioche (martyrisé en 312) avait pu être partie prenante dans la première de ces révisions.

Cette théorie a de graves défauts. Bien qu’aujourd’hui encore, les critiques et diverses versions du texte parlent des « meilleurs manuscrits » ou des « manuscrits les plus anciens », ces expressions sont trompeuses. Dans ce cas particulier, les « manuscrits les plus anciens » sont en fait les plus mauvais. Quant aux prétendues « fusions de variantes » du texte byzantin, jamais personne n’a pu proposer de preuves convaincantes en leur faveur. Au bout de vingt-huit années de travail, Westcott et Hort ne purent proposer que huit exemples; et ces propositions furent réfutées de façon satisfaisante par John William Burgon. De toute manière, même l’existence de « fusions de variantes » ne prouverait pas que le texte ait subi des remaniements tardifs. Le professeur Sturz montre que certaines de ces variantes sont confirmées par les papyrus les plus anciens (par exemple, les variantes les plus étoffées de Jean 10.19 et 10.31 trouvent confirmation dans P 66) (29). Force est de conclure que c’est le texte alexandrin qui est défectueux. On peut l’accuser d’avoir raccourci le texte byzantin. Et qu’en est-il de ce qu’on appelle la « recension de Lucien »? Rien ne prouve qu’elle ait jamais eu lieu.

Westcott et Hort se mirent en devoir de préparer un texte grec révisé. Il se trouvait également qu’ils étaient membres d’une commission nommée par la « Convocation de Cantorbéry » en 1880 pour préparer une édition révisée de la Bible anglaise. Leur texte grec n’avait pas encore paru, mais les personnes chargées de la révision en reçurent les épreuves d’imprimerie. Quand le Nouveau Testament de la « Version Révisée » parut en 1881, il fut immédiatement évident que le texte grec de Westcott et Hort avait non seulement influencé la commission, mais encore que dans l’ensemble, la « Version Révisée » du Nouveau Testament anglais l’avait suivi.

Le texte de Westcott et Hort était le précurseur de la version Nestlé-Aland en usage auprès des « United Bible Societies ». Il a usurpé la place du texte dit byzantin ou traditionnel, et il est à la base de presque toutes les traductions modernes de la Bible. Bien que la préface de la « New International Version », par exemple, indique que cette traduction suit « un texte grec éclectique » (c’est-à-dire un texte élaboré à partir d’un grand nombre de manuscrits), elle informe le lecteur, aussitôt après, que « là où les manuscrits présentent des variantes, les traducteurs ont choisi de suivre les principes conformes à la critique textuelle du Nouveau Testament », c’est-à-dire des principes semblables à ceux de Hort et Westcott. L’adoption de ces « principes » fondamentalement défectueux signifie que le texte qui en résulte est très similaire à celui que Westcott et Hort publièrent en 1881.

LA BIBLE DE GENÈVE

L’époque de la Réforme vit la publication de bon nombre de versions protestantes de la Bible. Les traducteurs appliquaient tous les mêmes principes: ils se fondaient sur le texte massorétique et sur le texte byzantin, ce « Texte reçu » préservé par la providence divine depuis les origines, et accepté dans toutes les Églises réformées; et ils serraient la langue originale au plus près, recherchant « l’équivalence formelle ».

En 1535, Olivétan publia sa traduction française des textes originaux grecs et hébreux. Cette traduction rigoureuse et dépouillée allait donner le ton aux traductions françaises ultérieures: près de cinq siècles plus tard, de nombreuses versions françaises portent encore les traces de la traduction d’Olivétan.

Lors des éditions successives de cette Bible, les pasteurs et les docteurs de Genève révisaient régulièrement la traduction, afin de conserver au texte un maximum d’exactitude et de lisibilité. Le dernier synode qui s’inscrivit dans cette tradition genevoise fut celui des Églises wallonnes en 1694, qui demanda la préparation d’une nouvelle version révisée, fondée sur le « Texte reçu ». Cette tâche fut confiée au pasteur David Martin, en raison de sa connaissance approfondie des langues originales, et de sa parfaite maîtrise du français.

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