Le dessein de Dieu

Le dessein de Dieu
Beaucoup d’hommes s’arrêtent devant la Bible comme au seuil d’une inextricable forêt. Par où l’aborder? Comment s’y retrouver? La plupart s’en tiennent dès lors à quelques sentiers battus. Ils rapportent de leurs excursions un bouquet de textes, toujours les mêmes, et les réunissent au hasard, comme Des fleurs dans un herbier.

Nous nous garderons de dire que de telles incursions sont vaines. Une seule parole reçue vraiment de la bouche de Dieu suffit à transformer une vie. Mais IL n’en EST pas moins vrai que trop souvent, selon un adage connu, « les arbres cachent la forêt ». La masse Des textes nous masque l’unité fondamentale du message biblique.

C’est cette unité que Le présent ouvrage voudrait souligner. Nous NE prétendons pas faire autre chose que frayer une piste au lecteur à travers la forêt Des textes; et pour ce faire, IL nous faudra laisser beaucoup de terrain inexploré à droite et à gauche. Le fil conducteur de nos études, c’est Dieu lui-même qui nous Le donne; ce fil conducteur, c’est sa volonté de salut pour l’humanité et pour Le monde. Cette volonté EST à l’œuvre dès les origines du monde; elle continuera de s’accomplir à travers l’histoire jusqu’à ce qu’elle atteigne son but final et que Dieu soit tout en tous.

Nous NE chercherons pas à élucider les problèmes linguistiques, historiques, littéraires que pose la Bible; cela NE veut pas dire que nous en méconnaissions l’importance; mais nous laissons cette étude aux ouvrages spéciaux. Quand on aura analysé les sources de tous les livres de la Bible, cherché les points de contact de la tradition hébraïque avec les traditions babyloniennes, égyptiennes ou persanes — et toutes ces recherches sont légitimes — Le mystère de la Bible NE s’en trouvera pas éclairci. Car tout cela n’explique point Le rôle unique qu’elle a joué au cours Des siècles, l’autorité qui émane d’elle. Pour connaître Le secret de la Bible, IL faut consulter la Bible elle-même. Que dit-elle être et que veut-elle nous révéler ?

La Bible NE se présente pas à nous comme un livre de philosophie ou d’histoire; elle NE nous parle pas de Dieu, mais au nom de Dieu. Et ce Dieu EST Le Dieu vivant, « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, non Des philosophes et Des savants » (Pascal). Il parle dans l’histoire et chacune de ses paroles EST acte. C’est pourquoi on peut dire indifféremment que la Bible EST Parole de Dieu ou qu’elle EST Le Livre Des actes de Dieu.

Dieu parle au commencement Des temps et cette Parole crée Le monde. Dieu parle dans l’histoire et cette Parole forge la destinée Des peuples. Mais surtout, Dieu parle dans et par son Fils. Et cette Parole faite chair EST la révélation définitive de Dieu aux hommes; c’est LA PAROLE qui éclaire toutes les autres paroles que Dieu a prononcées à travers l’espace et Le temps.

La Bible EST un livre difficile à comprendre justement parce que c’est un livre à la fois humain et divin. C’est un livre écrit par Des hommes liés à une époque, à un langage, à Des circonstances particulières; un morceau d’histoire humaine. Mais à travers cette histoire humaine, une autre histoire se déroule : celle que Dieu lui-même écrit dans Des cœurs d’hommes, celle qu’il fait à la fois pour nous, à travers nous et malgré nous; et cette histoire EST l’histoire d’un salut; c’est l’histoire d’un combat que Dieu livre aux hommes, pour les hommes et contre les hommes.

La Bible EST un livre magnifiquement et tragiquement humain; elle nous met en présence d’hommes de chair et de sang, qui Ont leurs haines et leurs amours, leurs passions et leurs vices; et ces passions semblent rejaillir par moments sur Dieu lui-même ! Si nous NE cherchons dans la Bible qu’un code de morale, nous sommes déroutés; ses patriarches sont de grands menteurs, ses prophètes et ses psalmistes sont parfois de terribles prédicateurs de haine. Non, la Bible d’un bout â l’autre EST toute autre chose qu’un « livre d’édification » au sens courant du terme; elle nous montre Le déroulement d’un drame qui met face à face Dieu et l’homme, et où Dieu, si j’ose dire, mène Le jeu. Elle nous révèle que l’histoire EST un combat incessant entre Dieu qui appelle et l’homme qui résiste. Et au centre de cette histoire se dresse une CROIX. Cette Croix EST Le grand paradoxe de la Bible, et de toute l’histoire humaine : Dieu, pour sauver Le monde, a choisi ce moyen de venir se faire clouer sur une Croix. Depuis les premières pages de la Genèse jusqu’aux dernières pages de l’Apocalypse, tout tend et converge vers cette Croix et tout procède d’elle; dès Le moment où elle EST plantée au centre du monde, Le monde NE peut avoir de sens qu’en elle et par elle. C’est Le lieu où Le combat entre Dieu et l’homme atteint son paroxysme; c’est Le lieu où l’amour tout-puissant remporte la victoire définitive sur Le mal et sur la mort; où Dieu consent à perdre (en apparence) la partie pour la gagner définitivement.

Le mystère de la Croix EST Le point culminant d’un mystère qui traverse toute la Bible : Dieu n’est nulle part plus présent et nulle part plus caché qu’à Golgotha : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Si nous ignorions l’histoire de Jésus et que quelqu’un nous dise que Dieu a inventé d’envoyer son Fils aux hommes pour les convertir à lui, nous imaginerions ce Fils venant dans une si éblouissante beauté et une telle gloire que tous les hommes seraient irrésistiblement gagnés. Mais le mystère de Jésus, c’est qu’il est venu si semblable aux autres hommes que des foules ont pu passer à côté de lui sans le reconnaître; et ceux qui l’ont reconnu l’ont trouvé si encombrant qu’ils n’ont eu qu’une pensée : celle de se débarrasser de lui le plus rapidement et le plus sûrement possible.

Si nous ne savions rien de la Bible et qu’on nous dise que Dieu s’est révélé aux hommes par un livre où ceux qui l’ont vu et entendu témoignent de lui, nous imaginerions, je pense, un livre d’une logique si éblouissante et si forte qu’il convaincrait tous ceux qui le liraient. Et voici que la Bible est un livre humain, plein d’obscurités et de contradictions. Luther a comparé l’Ancien Testament à de pauvres langes dans lesquels l’enfant Jésus est enveloppé. Dieu a choisi l’infirmité des paroles humaines pour se révéler à travers elles comme il a choisi pour son Fils l’humble pauvreté de la crèche. Et c’est justement dans cette pauvreté que sa gloire éclate; car cet éclat n’est pas de ce monde; il est d’un autre ordre, l’ordre de la Charité.

Le mystère de l’amour divin est un mystère d’abaissement; pour élever jusqu’à lui sa créature Dieu commence par descendre jusqu’à elle : il lui parle son langage, il prend sa chair. Dieu se livre aux hommes dans la Bible comme il se livre aux hommes dans son Fils. Les hommes peuvent faire de ce livre ce qu’ils veulent, le disséquer, le bafouer, en rejeter l’esprit et ne retenir que la lettre; et ils s’en sont donné à coeur joie de faire tout cela. Mais pour celui à qui Dieu ouvre les yeux, les ténèbres deviennent lumière et la Bible devient les Gesta Dei per Christum en qui toutes les détresses de l’homme et toutes les énigmes de l’histoire trouvent leur réponse.

L’histoire du Salut, dans la Bible, s’encadre entre deux visions qui constituent le prologue et l’épilogue du drame humain : la vision du paradis perdu et la vision de la Cité de Dieu. Ce sont comme deux fenêtres ouvertes sur l’éternité: la révélation de ce qui eût pu être si l’homme ne s’était séparé de Dieu; la révélation de ce qui sera Iorsque l’œuvre rédemptrice du Seigneur sera achevée, et que l’humanité réconciliée s’épanouira dans la joie de Dieu.

L’homme racheté qui a traversé la mort ne sera plus jamais l’homme innocent du paradis. La nouvelle création n’est pas une simple restauration de la création première : le flambeau qui l’éclaire est l’Agneau immolé et l’homme est marqué désormais du sceau de l’amour qui l’a racheté. Il est entré dans le mystère de la communion divine; mais pour la connaître, il a dû traverser la mort.

Ces deux visions de la Genèse et de l’Apocalypse sont les deux phares qui éclairent tout l’entre-deux de l’histoire humaine : cette histoire a un sens, une direction; son mot dernier est la victoire définitive de Dieu. Tout le mouvement de l’histoire va vers cette victoire accomplie par le sacrifice et la résurrection de Jésus-Christ.

Le grand œuvre de Dieu à travers les siècles comporte trois moments essentiels, ou si l’on veut trois « temps » :

1. La Bible nous révèle comment Dieu, dans sa libre grâce, se choisit un peuple dont il fait son instrument et son témoin parmi les peuples : ce peuple devient le porteur des promesses et des jugements de Dieu, le « signe » du salut à venir, l’annonciateur du Messie.

2. Le second moment est celui de l’incarnation, de la venue de Jésus-Christ sur la terre : « les temps sont accomplis ». Par sa vie, par son sacrifice sur la croix, Jésus remporte la victoire sur la puissance satanique et accomplit les jugements et les promesses de l’Ancien Testament. Il est L’HOMME, le second Adam, générateur d’une nouvelle humanité, d’un peuple nouveau : ce peuple nouveau, c’est l’Eglise.

3. Par sa résurrection et son élévation au jour de l’Ascension, Jésus-Christ est déclaré Seigneur du ciel et de la terre. Sa souveraineté, quoique réelle, n’est pas encore manifestée et ne le sera qu’à la fin des temps, lorsqu’il reviendra juger le monde et remettre toutes choses à son Père. Ce temps d’attente qui nous sépare de l’accomplissement final est le temps de la patience de Dieu, le temps de l’Eglise; le temps qui nous est donné pour annoncer le salut de Dieu jusqu’aux extrémités du monde.

Nous vivons ce temps-là. L’âge apostolique croyait au retour imminent du Seigneur; mais l’épître de Pierre nous rappelle qu’aux yeux de Dieu, mille ans sont comme un jour. Dès la résurrection et la Pentecôte, l’humanité est entrée dans « les derniers temps », temps de la mission, temps d’appel et de jugement. Pour chaque génération d’hommes, il y a une décision dernière à prendre, pour ou contre le Christ de Dieu. « J’ai mis devant toi la vie et la mort. Choisis. » (Deutéronome 30.19).

Il est des heures où ces mots prennent un sens plus plein et plus terrible qu’à d’autres; où la Mort se démasque en quelque sorte pour frapper d’un coup une civilisation tout entière; où les événements se chargent de nous rappeler, brutalement, inexorablement que nous sommes dans un monde voué à la mort. Nous traversons aujourd’hui une de ces heures-là. Le chaos de notre existence, le chaos de l’heure historique que nous vivons manifestent le désordre d’une création détachée de son Créateur, d’une humanité en révolte contre son Seigneur et qui, mise en présence de la vie et de la mort, a choisi la mort. Notre terre semble livrée à la puissance des démons; humainement parlant, nous sommes tentés de dire que la bataille est sans espoir.

La Bible connaît cette puissance de l’enfer; car Jésus s’est mesuré avec elle sur la croix. Mais parce qu’il l’a affrontée et vaincue, la Bible sait aussi que cette puissance de Satan, si bruyamment triomphante soit-elle, est éphémère. En Jésus-Christ, Satan a été vaincu une fois pour toutes — et Satan le sait; le chrétien qui vit dans la foi en son Sauveur possède déjà les arrhes de la victoire. II n’a plus rien à craindre de la terre ni de l’enfer; car il sait que rien ne peut le séparer de son Seigneur. C’est cette victoire qu’il a mission d’annoncer au monde.

« La lumière est venue dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue. » (Jean 1.5). De la Genèse à l’Apocalypse il n’est question d’autre chose que de ce combat de la lumière et des ténèbres. Ce combat, c’est toute l’histoire de l’humanité; mais c’est aussi notre histoire, celle de chacun d’entre nous.

La Bible est le carrefour où Dieu nous rencontre en Jésus-Christ et met chacun de nous devant sa décision dernière — avec ou contre Lui.
Suzanne de Dietrich : notice biographique

n Née en 1891 à Niederbronn, en Alsace, Suzanne de Dietrich se destine à entrer dans l’entreprise familiale, les usines De Dietrich. Lors de ses études d’ingénieur, à l’Ecole polytechnique de Lausanne, elle participe au Mouvement chrétien d’étudiants, et se passionne pour la théologie à laquelle elle va désormais se consacrer.

Devenue permanente de la Fédération Universelle des Associations Chrétiennes d’Etudiants, elle anime des rencontres internationales et collabore à l’ouverture oecuménique et à la constitution du Conseil œcuménique des églises. En 1939, elle participe activement à la création de la Cimade, alors Comité d’aide aux évacués d’Alsace et de Lorraine. En 1946, elle est nommée à l’Institut Oecuménique de Bossey, près de Genèse où elle anime des séminaires de formation pour pasteurs et laïcs de tous continents.

Par ses articles, ses nombreux ouvrages, (Le dessein de Dieu – 1943, Le renouveau biblique – 1945) consacrés à la recherche biblique et liturgique, ainsi que par ses qualités pédagogiques, Suzanne de Dietrich a contribué à la formation de plusieurs générations de biblistes, théologiens, animateurs de communautés chrétiennes du monde entier. Elle meurt à Strasbourg en 1981.

Nadine Lambert
source : http://www.protestants.org/faq/histoire/htm/dietrich.htm

n Une femme de foi.

Des 90 années de la vie de cette arrière-petite-fille d’Amélie-Louise de Dietrich, on pourrait retenir son tempérament de pionnière.

Pionnière, Suzanne de Dietrich le fut comme femme, qui plus est une femme de très petite taille et dotée d’une infirmité congénitale lui rendant la marche difficile: il était rare pour une femme, au début du siècle, de faire des études d’ingénieur !

Elle est ainsi l’une des premières femmes à obtenir le diplôme d’ingénieur-électricien en 1913, motivée par l’intention de participer à la direction de l’entreprise familiale « De Dietrich Reichshoffen ».

Mais lors de ses études d’ingénieur à l’Université de Lausanne, elle prend part à la vie de l’Association Chrétienne d’étudiants. Protestante convaincue, elle découvre les richesses des autres confessions. Elle choisit de donner une toute autre orientation à l’existence, s’installant à Paris en 1914. Suite à la Mobilisation générale de tous les hommes, elle accepte d’assurer la continuité de la Fédération Française des Associations Chrétiennes d’Etudiants, devenant une pionnière du mouvement œcuménique. Dès lors, se forge sa vocation de bibliste au service des jeunes qui reste, jusqu’à la fin, la dominante de sa vie.

Par son intelligence et par sa foi, elle exerce une influence considérable sur les universitaires chrétiens.

En 1946, elle devient directeur-adjoint à l’institut Œcuménique de Bossey en Suisse. Pendant près de dix ans, elle y enseigne et diffuse la culture théologique œcuménique parmi les théologiens et laïcs du monde entier. Ses activités bibliques et œcuméniques la font ensuite beaucoup voyager. Enseignante et voyageuse infatigable, elle multiplie les conférences, séminaires et cours bibliques à travers le monde et trouve, malgré ses nombreuses activités le temps d’écrire de nombreux articles et une vingtaine d’ouvrages. Deux d’entre eux ont un retentissement mondial : « Le dessein de Dieu » traduit en onze langues et « Le renouveau biblique ».

Toute sa vie, Suzanne de Dietrich se distinguera ainsi par une activité intense et multiforme, par une étonnante ouverture d’esprit, son attention aux autres et une passion de la vie qui ne l’a jamais quittée.

Grâce à un don pédagogique, à un sens aigu des injustices sociales et de la souffrance, à une clarté d’expression qu’elle attribuait à sa formation d’ingénieur : Suzanne de Dietrich fut une pionnière au Centre du Renouveau Biblique qui marqua le XXe siècle.

Théologienne alsacienne, elle a connu un rayonnement mondial.

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